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ABOUT Edmond – L’homme à l’oreille cassée

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Description

Illustration de J. HEMARD

Extrait 1

   « Mesdames, dit Léon, le professeur Meiser n’était pas un malfaiteur vulgaire, mais un homme dévoué à la science et à l’humanité. S’il tua le colonel français qui repose en ce moment sous les basques de ma redingote, c’était d’abord pour lui conserver la vie, ensuite pour éclaircir une question qui vous intéresse vous-même au plus haut point.

   « La durée de notre existence est infiniment trop courte. C’est un fait que nl homme ne saurait contester. Dire que dans cent ans aucune des neuf ou dix personnes qui sont réunies dans cette maison n’habitera plus à la surface de la terre ! N’est-ce pas une chose navrante ? »

   Mlle Sambucco poussa un gros soupir. Léon poursuivit :

   « Hélas ! mademoiselle. J’ai bien des fois soupirés comme vous à l’idée de cette triste nécessité. Vous avez une nièce, la plus jolie et la plus adorable de toutes les nièces, et l’aspect de son charmant visage vous réjouit le cœur. Mais vous désirez quelque chose de plus : vous ne serez satisfaite que lorsque vous aurez vu courir vos petits-neveux. Vous les verrez, j’y compte bien. Mais verrez-vous leurs enfants ? C’est douteux. Leurs petits-enfants ? C’est impossible. Pour ce qui est la dixième, vingtième, trentième génération, il n’y faut pas songer.

   « On y songe pourtant, et il n’est peut-être pas un homme qui ne se soit dit au moins une fois dans sa vie : » Si je pouvais renaître dans deux cents ans ! » Celui-ci voudrait revenir sur la Terre pour chercher des nouvelles de sa famille, celui-là de sa dynastie. Un philosophe est curieux de savoir si les idées qu’il a semées auront porté des fruits ; un politique, si son parti aura pris le dessus ; un avare, si ses héritiers n’auront pas dissipé la fortune qu’il a faite ; un simple propriétaire, si les arbres de son jardin auront grandi. Personne n’est indifférent aux destinées futures de ce monde que nous traversons au galop dans l’espace de quelques années et pour n’y plus revenir. Que de gens ont envié le sort d’Epiménide qui s’endormit dans une caverne et s’aperçut en rouvrant les yeux que le monde avait vieilli ! Qui n’a pas rêvé pour son compte la merveilleuse aventure de la Belle au bois dormant ?

   « He bien ! le professeur Meiser, un des hommes les plus sérieux de notre siècle, était persuadé que la science peut endormir un être vivant et le réveiller au bout d’un nombre infini d’années, arrêter toutes les fonctions du corps, suspendre la vie, dérober un individu à l’action du temps pendant un siècle ou deux, et le ressusciter après.

 

Extrait 2

   Clémentine avait le cœur très neuf. Avant de connaître Léon, elle n’avait aimé qu’une seule personne : sa mère. Ni cousins, ni cousines, ni oncles, ni tantes, ni grands-mères, ni grands-pères n’avaient éparpillé, en le partageant, ce petit trésor d’affection que les enfants bien nés apportent au monde. Sa grand-mère, Clémentine Pichon, mariée à Nancy en janvier 1814, était morte trois mois plus tard dans la banlieue de Toulon. Son grand-père, M. Langevin, sous-intendant militaire de première classe, resté veuf avec une fille au berceau, s’était consacré à l’éducation de cette enfant. Il l’avait donnée en 1835 à un homme estimable et charmant, M. Sambucco, Italien d’origine, né en France et procureur du roi près le tribunal de Marseille. En 1938, M. Sambucco, qui avait un peu d’indépendance parce qu’il avait un peu d’aisance, encourut très honorablement la disgrâce du garde des sceaux. Il fut nommé avocat général à la Martinique, et, après quelques jours d’hésitation, il accepta ce déplacement au long cours. Mais le vieux Langevin ne se consola pas si facilement du départ de sa fille : il mourut deux ans plus tard, sans avoir embrassé la petite Clémentine, à qui il devait servir de parrain. M. Sambucco, son gendre, périt en 1843, dans un tremblement de terre ; les journaux de la colonie et de la métropole ont raconté alors comment il avait été victime de son dévouement. A la suite de cet affreux malheur, la jeune veuve se hâta de repasser les mers avec sa fille. Elle s’établit à Fontainebleau, pour que l’enfant vécût en bon air : Fontainebleau est une des villes les plus saines de la France. Si Mme Sambucco avait été aussi bon administrateur qu’elle était bonne mère, elle eût laissé à Clémentine une fortune respectable, mais elle géra mal ses affaires et se mit dans de grands embarras. Un notaire du pays lui emporta une somme assez ronde ; deux fermes qu’elle avait payées cher ne rendaient presque rien. Bref, elle ne savait plus où elle en était et elle commençait à perdre la tête, lorsqu’une sœur de son mari, vieille fille dévote et pincée, témoigna le désir de vivre avec elle et de mettre tout en commun. L’arrivée de cette haridelle aux dents longues effraya singulièrement la petite Clémentine, qui se cachait sous tous les meubles ou se cramponnait aux jupons de sa mère ; mais ce fut le salut de la maison.

 

Descriptif

Editions Hachette Bibliothèque de la Jeunesse année 1934, état général correct, couverture souple, tranche et dos marqués, passés et avec de petits accrocs sur les bordures, pages jaunies, livre d’occasion broché format poche de 13,2x17,8 cm, 256 pages   

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