Extrait

   Les vraies héroïnes, de nos jours, sont les héroïnes du cœur. Le sexe est trop commun, l’art trop aléatoire. L’altruisme est une carrière ouverte à tous et que ne borne aucune convention. Isolde de Haute-Luce avait inventé un nouveau concept : la charité en tailleur et talons hauts. Elle conjuguait élégance et bienfaisance à un point rarement atteint. Après l’affaire du quai de Jemmapes, elle avait été conduite au commissariat du Xe arrondissement, rue Louis-Blanc, où elle avait passé la nuit en garde à vue avant d’être poursuivie pour obstruction aux forces de l’ordre et violence à agent : elle avait donné un coup de casque à un adjudant. Au lendemain de sa garde à vue, Antonin l’attendait pour l’acclamer avec d’autres militants. Elle sortit pieds nus, rayonnante, ses Stilletos avaient lâché. Elle fut jugée par la suite, défendue par les meilleurs avocats et relâchée au nom d’un principe cher à la France, que le général de Gaulle avait énoncé à propos de Jean-Paul Sartre : » On n’embastille pas Voltaire. » Quoi qu’elle fasse, elle n’irait jamais en prison.

   Quelques mois plus tard, Antonin rentrait, en fin d’après-midi, d’une visite d’une friche industrielle dans le 94 qu’Ariel voulait transformer en centre œcuménique quand il aperçut devant l’agence une roadster Yamaha. A peine le seuil franchi, il fut appelé par son patron : assise face à lui, vêtue d’un manteau de cuir et de santiags, tel un personnage de western, se trouvait Isolde de Haute-Luce, un cigarillo à la main. Antonin en fut saisi. Il eut honte de la trouver ridicule avec son accoutrement, son visage chevalin, ses cheveux tombant en mèches, sa voix haut perchée. Ariel avança une chaise et lui demanda d’écouter ce que « cette femme remarquable » avait à lui dire.

Descriptif

Editions Le livre de poche 33545 année 2014 ISBN 9782253177487, bon état général, couverture souple, tranche et dos légèrement passés et marqués, intérieur frais, livre d’occasion broché format poche de 11,3x17,8 cm, 288 pages