Presses de la cité

BURDETT John – Le parrain de Katmandou

Réf: pt-pcjbpk
4,00 € TTC
 En stock
Ajouter au panier
Description

Titre original « The Godfather of Kathmandu » John Burdett, 2010

Traduit de l’anglais par Thierry Piélat

Extrait 1

   Je suis encore aux toilettes messieurs du Rose Garden, mais j’ai cessé de pleurnicher et j’ai fini mon joint. Dans mon état d’esprit actuel, je ne devrais pas toucher à ce machin, me dis-je en m’en roulant un autre. Le hic, c’est que ces montagnes russes émotionnelles créent une accoutumance. On en arrive à être fasciné par la façon dont le grand chariot du moi reste coincé, tandis qu’on est attaché au siège du haut, les jambes pendant dans le vide.

   Ma vie serait-elle différente si je n’avais pas pris l’avion pour le Népal ce matin-là ? Totalement, totalement différente, marmonné-je en tirant sur le pétard. Tu le referais si c’était à refaire ? demandé-je au visage hagard reflété par le miroir, le joint évasé pendillant des lèvres. Oui, réponds-je au pauvre type égaré qui me rend mon regard, sinon je n’aurais jamais rencontré Tietsin. Avec le détachement du vrai psychotique, je me mets à glousser, bientôt plié en deux par une crise d’hilarité – est-elle véritable ou n’en est-ce qu’une caricature, c’est difficile à dire. Putain ! Je ne l’aurais pas manqué pour tout l’or du monde, tout l’or du monde ! gloussé-je de plus belle en secouant la tête. Et brusquement, il est là devant moi, dans les toilettes, avec sa vieille parka, la fermeture éclair ouverte, ses longs cheveux gris en queue de cheval, sa barbe en bataille plutôt comique, en train de faire les yeux blancs : « Ton problème, c’est que tu ne te souviens pas assez en détail, me lance-t-il. Ton sang d’Occidental te rend superficiel. Va plus en profondeur. Qu’est-ce que tu as à perdre ? – Oh rien, fais-je avec une emphase théâtrale. Seulement l’esprit, et il n’en reste plus grand-chose. »

   C’était une hallucination, bien sûr, et il disparait comme une brume au soleil.

 

Extrait 2

   Ça semble plus conforme à la réalité. Je viens de finir la lecture du commentaire quand je vois Sukum rouge de colère, au bord de la crise d’apoplexie, foncer vers moi, s’attirant des regards désapprobateurs de nos collègues bouddhistes. L’absence de cloison entre les bureaux permet de se préparer à une offensive lancée de loin. J’ai envie de me faire tout petit en le regardant slalomer entre les bureaux et les moniteurs, devant lesquels des flics, la plupart en uniforme, s’efforcent d’établir des priorités parmi les rapports criminels qui arrivent à jet continu. Il est trop thaï pour faire vraiment une scène devant tout le monde, aussi, en arrivant à moi, s’abstient-il de crier et c’est d’une voix sifflante qu’il me dit :

   - Espèce d’hypocrite, de trou du cul, tu viens de forcer le patron à te donner l’affaire Hollywood parce que tu as conclu un gros marché de dope je ne sais où le mois dernier et que maintenant il te mange dans la main ! Tu me donnes envie de gerber. Tu ne mérites pas d’être flic. Tu devrais être en taule !

   - Allez plutôt répéter cela au colonel Vikorn, Khun Sukum, vous voulez bien ? lui demandé-je à voix basse.

   Le voilà maintenant tout penaud et il me fait pitié. Il a tellement envie d’une promotion, de montrer à sa femme et à ses amis qu’il est meilleur que moi en matière de chasse aux criminels, qu’il n’a pas respecté mon deuil, et ce sans même s’en rendre compte. Cela me désole de le voir à ce point sous l’emprise du troisième chakra, qui est la source de l’avidité, de l’agressivité et du besoin de dominer. ‘Je confesse que je le considère souvent comme le chakra farang par excellence, ce qui est terriblement injuste à ton égard ; il suffit de voir comment il est en train de réduire à néant la paix de l’esprit de Sukum et pourtant il n’y a pas plus thaï que lui.) Je soupire, décroche le téléphone, observe ses yeux pendant que je parle à Manny, la secrétaire de Vikorn, notre bête noire à tous.

   - Khun Manny, pardonnez ma question, mais est-ce que vous venez d’appeler l’inspecteur Sukum pour lui annoncer qu’on lui a retiré l’affaire Hollywood à mon profit ?

   - Oui.

   - Veuillez dire au colonel Vikorn que je ne veux pas de cette affaire. Il peut me virer si ça lui chante, mais l’inspecteur Sukum a déjà consacré plus de trois semaines à cette affaire et il a fait du très bon travail.

   - Qu’avez-vous dit ?

   - Contentez-vous de retransmettre au Vieux ce que je viens de vous dire.

   - Vous venez de l’appeler le Vieux devant moi ?

   - Oui, allez, faites ce que je vous demande, dis-je avant de raccrocher.

   Non seulement Sukum, mais tout le monde me regarde en s’attendant à ce que le ciel nous tombe sur la tête. Le téléphone sonne maintenant sur le bureau de Sukum. Il me regarde, complètement ahuri, puis retourne précipitamment à son poste. Nous voyons tous son expression passer successivement de la fureur à l’obséquiosité en moins de deux secondes. Pour lui rendre justice, quand il a reposé le combiné, il revient vers moi, me gratifie d’un wai haut, les mains jointes à hauteur du front et dit :

   - Merci. Je vous serai reconnaissant de toute l’aide que vous voudrez bien m’accorder. Je sais que vous êtes très occupé et meilleur inspecteur que moi. Je vous demande humblement pardon de vous avoir agressé en cette période de deuil. Je reconnais ainsi une gatdanyu envers vous.

 

Descriptif

Editions Presses de la Cité Sang d’encre de 2011 ISBN 9782258085244, état général moyen, couverture souple, tranche et dos légèrement passés et marqués, avec un petit accroc sur la tranche et deux petites déchirures sur les deux premières pages, intérieur assez frais, livre d’occasion broché grand format de 14,2x22,7 cm, 462 pages   

Produits pouvant vous intéresser