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COMTESSE DE SEGUR – Jean qui grogne et Jean qui rit

Réf: j-hbr16
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Description

Illustrations en couleurs de Paul Durand

Illustrations en noir et blanc de Jeanne Hives

Extrait 1

   Le lendemain au petit jour, Hélène se leva, fit deux petits paquets de provisions, les enveloppa avec le linge et les vêtements des enfants, et s’occupa de leur déjeuner ; au lieu de pain sec, qui était leur déjeuner accoutumé, elle ajouta une tasse de lait chaud. Aussi, quand ils furent éveillés, lavés et habillés, ce repas splendide dissipa la tristesse de Jean et les inquiétudes de Jeannot. La petite fille dormait encore.

   Le moment de la séparation arriva : Hélène embrassa dix fois, cent fois son cher petit Jean ; elle embrassa Jeannot, les bénit tous deux, et fit voir à Jean plusieurs pièces d’argent qui se trouvaient dans la poche de sa veste.

   « Ce sont les braves gens, nos bons amis de Kérantré, qui t’ont fait ce petit magot pour reconnaître les petits services que tu leur a rendus, mon petit Jean. M. le curé y a mis aussi sa pièce. »

   Jean voulut remercier, mais les paroles ne sortaient pas de son gosier ; il embrassa sa mère plus étroitement encore, sanglota un instant, s’arracha de ses bras, essuya ses yeux, et se mit en route comme son frère le sourire aux lèvres, et sans tourner la tête pour jeter un dernier regard sur sa mère et sur sa demeure.

   « Je comprends, se dit-il, pourquoi Simon marchait si vite et ne se retournait pas pour nous regarder et nous sourire. Pauvre mère ! Elle ne pleure pas ; elle croit que je ne pleure pas non plus, que j’ai du courage, que j’ai le cœur joyeux, tout comme pour Simon. C’est mieux comme ça ; le courage des autres vous en donne : je serais triste et malheureux si je pensais que maman eût du chagrin de mon départ. Elle croit que je serais heureux loin d’elle… Calme, gai même, c’est possible ; mais heureux, non. Sa tendresse et ses baisers me manqueront trop. »

   Pendant que Jean marchait au pas accéléré, qu’il réfléchissait, qu’il se donnait du courage et qu’il s’éloignait rapidement de tout ce que son cœur aimait et appelait, Jeannot le suivait avec peine, pleurnichait, appelait Jean qui ne l’entendait pas, tremblait de rester en arrière et se désolait de quitter une famille qu’il n’aimait pas, une patrie qu’il ne regrettait pas, pour aller dans une ville qu’il craignait, à cause de son étendue, près d’un cousin qu’il connaissait peu et qu’il n’aimait guère.

 

Extrait 2

   De tous les habitués, celui que Jean servait et entretenait avec le plus de plaisir était M. Abel, qui avait son cabinet particulier, et qui était servi tout particulièrement à cause de sa consommation régulière et largement payée.

   Un jour, M. Abel le questionna sur Jeannot.

   « Est-il content chez son épicier ? dit-il

   Jean : Pas toujours, monsieur ; la semaine dernière il était en colère contre un prétendu Anglais qui l’a fait promener et enrager, et qui n’était pas plus Anglais que vous et moi, monsieur. Son maître et les garçons se sont moqués de lui ; Jeannot s’est mis en colère, on l’a turlupiné, il s’est fâché plus encore ; le patron l’a houspillé et taquiné ; Jeannot leur a dit des sottises ; le patron s’est fâché tout de bon ; il lui a tiré les cheveux et les oreilles, et l’a renvoyé d’un coup de pied, avec du pain sec pour souper.

    M. Abel : Ah ! ah ! ah ! la bonne farce ! Et sait-on qui était ce faux Anglais ?

   Jean : Non, monsieur ; personne ne le connaît.

   M. Abel : Bon ! Il faudra tâcher de le retrouver, pourtant.

   Jean : il vaut mieux le laisser tranquille, monsieur. Il n’a fait de mal à personne ; il s’est un peu amusé, mais il n’y avait pas de quoi se fâcher.

   M. Abel : Tu n’en veux donc pas à ce farceur ?

   Jean : Oh ! pour ça non, monsieur !

   M. Abel : Allons, tu es un bon garçon ; tu comprends la plaisanterie. Pas comme Jeannot, qui rage pour un rien. »

   Peu de jours après, M. Abel se dirigea encore vers l’épicier de Jeannot ; il n’avait pas la même apparence que les jours précédents ; sur sa redingote il avait une blouse à ceinture, autour du visage un mouchoir à carreaux, sur la tête une casquette d’ouvrier et son chapeau à la main. Il tenait une grande marmite. Il s’arrêta devant l’épicier, entra et demanda avec l’accent auvergnat : « Du raichiné, ch’il vous plaît ?

   Un garçon : Pour combien, monsieur ?

   L’auvergnat : De quoi remplir la marmite, mon garchon.

   Le garçon : Voilà, m’sieur ; un franc ciquante.

   L’auvergnat : Marchi ! Voichi l’argent. »

   Le garçon alla au comptoir et tournait le dos à la porte. Jeannot bailla à l’entrée. 

 

 

Descriptif

Editions Hachette Bibliothèque Rose 16 année 1968, état général assez bon, couverture rigide, tranche et dos marqués, quelques accrocs sur la tranche, pages moyennement jaunies, livre d’occasion relié format poche de 12,3x17,2 cm, 258 pages.

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