Titre original « The Lovers » John Connolly, 2009.

Traduit de l’anglais par Jacques Martinache

Extrait 1

   La police interrogea mon père aussitôt après les meurtres. Ils le traitèrent avec sympathie, en tâchant de comprendre ce qui s’était passé afin de pouvoir limiter les dégâts. Il se trouva au poste de police d’Orangetown, puisque les flics locaux avaient été les premiers sur le coup. Les bœuf-carottes étaient aussi sur l’affaire, de même qu’un enquêteur des services du procureur du comté de Rockland, un ancien du NYPD qui savait y faire et qui saurait caresser les gars du coin dans le sens du poil avant de leur prendre l’enquête.

   Mon père appela ma mère peu après et lui expliqua ce qu’il avait fait. Ensuite, deux policiers du secteur nous rendirent une « visite de politesse », et l’un d’eux, neveu de Jimmy Gallagher, appartenait à l’équipe d’Orangetown. Plus tôt dans la soirée, alors qu’il n’était pas encore en service, il était venu chez nous en tenue décontractée et s’était assis dans la cuisine. Ma mère et lui avaient fait comme si ce n’était qu’une visite sans importance, mais il était resté trop longtemps pour ça et j’avais remarqué la tension sur le visage de ma mère quand elle avait servi un café et une part de gâteau, à laquelle il avait à peine touché. Lorsqu’il revint en uniforme avec son collègue, je compris que sa visite précédente était liée aux meurtres, mais je ne savais pas encore en quoi.

   Le neveu du Jimmy confirma à ma mère ce qui était arrivé – ou apparemment arrivé – sur le terrain vague proche de la maison, sans jamais faire allusion au fait que c’était la deuxième fois de la soirée qu’il venait la voir. Elle aurait voulu parler à son mari, lui apporter son soutien, mais il argua que ça ne servirait à rien. L’interrogatoire se prolongerait un moment, puis mon père serait probablement suspendu avec maintien de son salaire intégral en attendant l’enquête. Il avait terminé ainsi : « Il ne tardera pas à rentrer. Restez ici, occupez-vous du garçon. Ne lui dites rien pour le moment. C’est à vous de voir, bien sûr, mais il vaudrait mieux attendre qu’on en sache plus… »

Extrait 2

   Une femme et un enfant. Une voix de petite fille. Une femme en robe d’été. Wallace avait déjà vu cette robe, c’était celle que portait la femme de Parker sur les photos distribuées à la presse après sa mort.

   Dès qu’il fut hors de vue, il se mit à courir. Il glissa et tomba lourdement, trempant son pantalon et enfonçant ses bras dans la neige jusqu’aux coudes. Il gémit en se relevant, se brossa de la main. Il était encore en train de se nettoyer sommairement quand il entendit un bruit derrière lui. Légèrement étouffé par la brume, mais clairement identifiable.

   Le bruit de la porte de derrière qui s’ouvrait.

   Wallace se remit à courir. Quand il aperçut sa voiture, il tira les clés de sa poche, pressa le bouton de déverrouillage pour allumer les feux. S’arrêta net et sentit son estomac se révulser.

   De l’autre côté de la voiture, un enfant, une petite fille, le regardait fixement à travers la vitre du passager. La main gauche plaquée contre le verre, elle traçait de l’index de la main droite des traits dans la buée. Wallace ne pouvait pas distinguer son visage, mais il savait instinctivement qu’il n’aurait pas mieux vu s’il avait été à vingt centimètres d’elle au lieu de plusieurs mètres. Elle était aussi peu substantielle que le brouillard qui l’entourait.

   - Non, murmura-t-il en secouant la tête, non.

   Derrière lui, la neige dure craqua, comme si une forme invisible s’approchait de lui, mais Wallace savait que s’il se retournait vers la maison, il ne verrait que l’empreinte de ses propres pas.

   - Oh, mon Dieu…

Descriptif

Editions Pocket Thriller 14490 année 2011 ISBN 9782266207003, état général correct, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués et légèrement passés, intérieur assez frais, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 448 pages