Fayard

DANSEL Michel – De la part de Barbara

Réf: pt-fqo1981
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Description

Extrait 1

   La Ruelle avait invité Anna Kripotchine à se présenter à son bureau le lendemain matin à 10 heures. Il s’agissait, bien entendu, d’une simple audition. Quai des Orfèvres, en face du 36, des touristes ventrus, bigarrés comme des perroquets, avec des chapeaux de paille venus d’ailleurs, s’acharnaient ndas des poses invraisemblables à prendre en photo un bateau-mouche. Le soleil coiffait Paris de mille paillettes.

   Jean-Jacques Rivault, d’une élégance sobre dans un costume de velours côtelé beige, attendait derrière une machine à écrire, la fin des préséances.

   Encore tout essoufflée d’avoir monté trois étages à pied, la sœur de la victime prit place en face des deux inspecteurs. Elle portait sur son visage tous les stigmates du drame qui l’accablait. De toute évidence, le décor austère de cette pièce, où la couleur des murs contrastait à peine avec celle des armoires métalliques, suscitait l’émotion d’Anna Kripotchine qui, pour la première fois pénétrait dans ces locaux de police.

   « Parlez-nous de votre belle-sœur, si vous le voulez bien », lança La Ruelle avec une voix qui forçait la confiance. Puis il s’empressa d’ajouter :

   « D’abord, est-elle prévenue de la mort de votre frère ?

   - Oui bien sûr ! Je n’ai pu la joindre qu’à 10 heures du soir pour lui annoncer cette bouleversante nouvelle. Avec l’indifférence qui la caractérise, elle s’est contentée de me répondre : « ça devait bien se terminer ainsi : Stanislas était un dépressif. » Cette femme tient du monstre. Elle n’a reçu son cœur que par inadvertance. Depuis 1977, elle vit de son côté, dans un appartement de l’avenue Henri-Martin. De temps à autre elle venait rendre visite à Stanislas, simplement par goût du pittoresque. Elle avait inclus un mari artiste dans son standing mondain. Cette créature futile est un pilier de cocktails ! »

   Elle parlait de sa belle-sœur avec une haine farouche que renforçaient son regard coupant, ses pommettes écarlates et sa voix de plus en plus habitée par la passion.

   « Hier, vous parliez d’un crime. A qui pensiez-vous très exactement ?

   - A cette garce, évidemment ! Qui d’autre qu’elle pouvait tuer mon frère ! Il n’avait que des amis ! » se mit-elle à crier avec l’exaltation d’une Walkyrie poussée par une flamme vengeresse.

   Pour l’instant, il ne s’agissait que d’un suicide suspect. Il fallait attendre les résultats de l’Institut médico-légal et auditionner d’autres témoins.

   Les deux inspecteurs, qui en avaient vu d’autres, ne s’émurent point devant cette accusation, gratuite en apparence, mais avec laquelle il faudrait peut-être compter pour l’enquête.

 

Extrait 2  

   Ce même soir, le commissaire Luciani et deux OPJ empruntaient la rue Vercingétorix à vive allure. Après un crissement de pneus spectaculaire et trois claquements de portières, ils se mirent à courir dans une sorte de terrain vague malaisé et caillouteux, occupé pour l’heure par un paisible chapiteau. Au cours de son audition, le docteur Anoukian avait parlé du rôle de clown blanc que tenait le partenaire de Stanislas dans un petit cirque du XIVe arrondissement.

   « Nous voudrions parler à Lucien », dit le commissaire en exhibant dans la pénombre sa plaque à l’homme roux et corpulent qui barrait l’entrée de la tente.

   Quelques salves d’applaudissements ponctuaient l’entracte. Par la bâche entrebâillée, aux rayures jaunes et rouges, on voyait une jeune femme à califourchon sur un sanglier, qui levait ses bras caoutchouteux, telle une danseuse étoile pour remercier son public.

   Tous les cirques n’ont pas les moyens de s’offrir une ménagerie exotique, chuchota Parker, l’un des deux OPJ, un large d’épaules, autoritaire et généreux.

  - Normalement, Lucien devrait être arrivé depuis longtemps. C’est la première fois qu’il nous fait faux bond. Il a dû avoir un empêchement assez grave.

   - Nous voudrions parler au directeur, intima le commissaire d’une voix précipitée.

   - C’est moi !

   - Donnez-nous le nom et l’adresse de Lucien je vous prie.

   Le clown s’appelle Hoffmann. Il habite 99 rue de Ménilmontant. »

   Pris dans le flot des spectateurs sortis se dégourdir les jambes ou arroser les palissades voisines, avant la reprise du spectacle, bousculés par des gamins aux mains poisseuses et le nez plongé dans leur barbe à papa rose, assourdis par les roulements d’une grosse caisse sur laquelle un géant impassible, au crâne rasé, en salopette de satin jaune et souliers vernis, frappait à coups redoublés, Luciani et ses deux adjoints, Parker, un nivernais par alliance, tenace et cravaté, et Bruno Albajara, un jeune dans la maison, frisé, dégingandé et impatient de faire ses preuves, avaient du mal à poursuivre leur interrogatoire vespéral, champêtre et forain.

   « Normalement, Lucien arrive à quelle heure ? insista Parker.

   - Vers neuf heures, au début de la représentation. Et c’est bien ce qui m’inquiète », dit le rouquin en se haussant sur la pointe de ses bottines cloutées, comme s’il cherchait à découvrir au loin la silhouette de Lucien. Avec un accent de sincérité dans la voix, il surenchérit :

   « Je ne comprends pas… Le clown est toujours fidèle au poste. C’est lui qui fait l’enchaînement avec la deuxième partie.

 

 

Descriptif

Editions Fayard Prix Quai des orfèvres 1981 de 1980 ISBN 2213009325, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués et passés, intérieur assez frais, livre d’occasion broché format poche de 11,3x17,8 cm, 192 pages   

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