Albin Michel

DAUXOIS Jacqueline – Charlotte Corday

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Description

Extrait 1

   D’un côté, une famille aristocrate traditionnelle, qui illustre les vertus d’une France provinciale et sereine, catholique par tradition, attachée à son terroir et à son roi ; de l’autre, des déracinés. Charlotte est une pure Normande, Marat a du sang espagnol, italien et français dans les veines. Charlotte descend d’une longue lignée de nobles ; Marat est fils de défroqué. Et sarde, en plus !

   Le père, Jean Baptiste, pas le moindre blason aux origines, né en 1705, à Cagliari, vient de l’une des terres les plus défavorisées du Mezzogiorno italien, une île âpre, farouche, sauvage. Les mentalités y sont archaïques et rudes, les mœurs très frustres. Même la mer est hostile, le rivage rocheux, déchiqueté, la côte inhospitalière. Les Grecs et les Romains se sont détournés de ce rocher abrupt pour bâtir, en Sicile, leur grenier à blé, ces temples dont la beauté défie encore le temps.

   Si la religion joue encore un rôle déterminant en Italie, elle représente au XVIIIe siècle une puissance qui ne se discute pas.

   Aussi, lorsque Jean Baptiste se défroque, il n’a pas le choix : il s’exile.

   Parce que la date de son départ correspond à une persécution contre les Juifs, on a supposé qu’il l’était – encore que Juif, sarde, prêtre de l’Eglise catholique romaine et défroqué, cela semble beaucoup pour un seul homme. Mais l’Histoire est faite de ces réalités si démesurées qu’un romancier n’oserait les accumuler dans une fiction, de crainte d’être accusé d’invraisemblance.

   Il quitte l’Italie, évite la France catholique, la « fille aînée de l’Eglise », et se fixe dans la patrie de Calvin.

   A Genève, il rencontre une jeune fille de dix-neuf ans sa cadette : louise Cabrol, fille d’un réfugié protestant, d’origine languedocienne. Le mariage est célébré le 21 décembre 1740. Après la naissance d’une fille, le couple Mara s’installe à Boudry, village fortifié qui dépend de la principauté prussienne de Neuchâtel. Le 24 mai 1743, le roi de Prusse a un nouveau sujet : Jean Paul. Charlotte ne l’oubliera pas, qui s’écriera : « Dieu merci, il n’était pas français ! »

   D’abord instruit par son père, Jean Paul fréquente ensuite le collège de Neuchâtel. Il parle le français, l’anglais, l’espagnol, l’allemand et se passionne pour la lecture et la médecine. A dix-sept ans, il trouve Neuchâtel trop petit pour son génie.

   Plus tard il écrira :

   « A cinq ans, j’ai voulu être maître d’école, à quinze j’ai voulu être professeur, auteur à dix-huit ans, génie créateur à vingt. […] Incessamment dévoré du souci de la gloire, seule passion qui dévorât mon âme, mais ce n’était encore qu’un feu qui couvait sous la cendre. »

 

Extrait 2

   Dans les couloirs de l’Abbaye-aux-Dames où l’on frissonne, que sait-on au juste de ce qui se passe dans le monde ? On apprend tout et rien. Avec l’inévitable retard dû à la lenteur des communications, les nouvelles de Paris arrivent : lettres, journaux, sans parler de celles que colportent les gens de l’enceinte on vit protégé dans un cocon, enveloppé dans la prière et la certitude que Dieu existe et ne saurait abandonner les hommes, ses créatures.

   A vingt ans, Charlotte a déjà vécu près e sept années à l’Abbaye. Les religieuses ont transformé la petite fille de quatorze ans, amenée chez elles sous le coup de la mort de sa mère, en une jeune fille accomplie. Elles y ont eu du mérite. Charlotte n’était pas de celles qui ne contestent pas. Elle réclamait des explications, obligeant les religieuses à justifier leur enseignement. Elle effrayait parfois la Supérieure par son indépendance d’esprit et son confesseur avec qui elle discutait les dogmes.

   Mais son orgueil et son obstination étaient compensés par sa piété et son intelligence. Charlotte a prouvé qu’elle n’était pas quelqu’un qui fait les choses à moitié. Elle a sûrement approfondi sa religion et mesuré la force de sa foi. Elle a peut-être désiré se faire religieuse. Mais il est difficile de déterminer si, passé l’exaltation de la jeunesse et le vertige du don total de soi, sa vocation aurait persisté dans l’âge adulte puisqu’on a fermé les couvents. La question a été résolue pour elle. A sa place. Il n’est pas dit qu’elle n’en ait pas été irritée.

   Les couvents n’étaient rien de ce qu’on représente le plus souvent. L’enseignement religieux, loin d’être lénifiant comme il l’est devenu par la suite, était terrorisant. Il fallait, pour échapper au châtiment éternel de l’Enfer et à ses innombrables supplices, pour éviter le morne ennui du Purgatoire et gagner le Paradis, exterminer en soi les racines du Mal et se consacrer au Bien. Ce combat a probablement tenté Charlotte qui avait le goût de l’absolu.

   Quant aux méditations auxquelles on conviait fillettes et jeunes filles, elles parlaient de souffrance, de sacrifice et de mort. Albert-Emile Sorel cite certains textes annotés de la main de Charlotte. Ce n’est pas Corneille, c’est tout de même la tragédie :

   « Délivrez-nous Seigneur, pour toujours de nos ennemis, nous vous en conjurons par ce signe de croix. »

   De Marat, elle fera l’ennemi unique et en délivrera la France.

 

Descriptif

Editions Albin Michel année 1988 ISBN 2226034935, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués, intérieur assez frais, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché grand format de 14,8x22,7 cm, 274 pages   

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