Fleuve Noir

DEKK Karel - Espion de l’étrange

Réf: sf-fna1842
1,50 € TTC
 En stock
Ajouter au panier
Description

Karel Dekk est le pseudonyme du romancier français Serge Lehman. On trouve ses romans sous les noms de Corteval et Don Hérial.

Extrait 1

   La sonnerie du téléphone me fit faire un bond d’un mètre. Cette fois, c’était tout près. Je m’arrachai à l’étreinte du siège pour me ruer vers une table basse, sur laquelle trônait un vieil appareil à cadran. Je décrochai d’une main tremblante et bredouillai :

   - Allô ?

   Lorsque le ricanement s’éleva contre mon oreille, je sus que la Lombrumière m’avait piégé.

   - Dekk. Bonjour, Dekk. Bonjour-bonjour-bonjour, Dekk chéri…

   - Qui êtes-vous ?

   Ma voix n’était plus qu’un murmure sans force.

   - J’ai un joli cadeau pour toi. Joli-joli-joli. Oh ! oui/ Pourquoi ne sors-tu pas sur le perron prendre ton cadeau ?

   Un rire infernal emplit de nouveau l’écouteur. Je raccrochai aussitôt et cherchai des yeux le whisky que j’avais abandonné près du fauteuil. Alors seulement, je vis le câble noir lové tel un serpent dans les brins de tapis. L’appareil n’était pas branché.

   Les jambes tremblantes, je m’allongeai sur le dos et fermai les yeux. Bon sang, c’était grotesque : j’avais passé ma vie à lire des histoires comme celle-là, à en assimiler la logique, les mécanismes élémentaires. A ce point d’imprégnation, cela allait bien au-delà de la simple formation intellectuelle. Un entraînement ? Oui. Pour le jour où l’Etrange traverserait l’écran des mots qui le retenait prisonnier à l’intérieur des livres et étendrait sa main sur le monde. Cessez de trembler et racontez-moi…

   Ce fut comme si je recevais une gifle en pleine figure. Karel Dekk, l’idiot du village ! N’étais-je pas écrivain, moi aussi ? Oh, bien sûr, pas encore professionnel : tout juste une demi-douzaine de nouvelles, extrêmement classiques – mais remarquées parce que nourries de l’énorme documentation que mon père avait accumulée pendant trente ans. Des nouvelles dont les héros n’auraient pas hésité à accepter le rendez-vous de la Lombrumière, pour ensuite pousser le vice jusqu’à poursuivre leur petite expédition après la mise en scène de Paul Brémontel… Et alors ? Tous les détectives de l’impossible se seraient comportés de la même manière, non ? J’eus un pâle sourire. Tous oui : Alphonse van Worden dans la Duchesse d’Avila, Harry Dickson, le commandeur de Michel Honaker et, bien entendu, Chan Coray, mon propre personnage, autour duquel j’essayais en vain de bâtir mon premier roman depuis six mois. Il fallait donc qu’il y eût une raison supplémentaire pour que l’on m’eût choisi – moi. Et, de toute évidence cette raison s’appelait Thomas Dekk. En fin de compte, j’avais trouvé une partie de ce que j’étais venu chercher. Et après ?

 

Extrait 2  

   De Vries, bien entendu. C’était un homme d’une soixantaine d’années, grand et maigre, vêtu avec recherche (chemise et complet Kenzo), plutôt bien conservé. Ses traits fins ne me firent pas d’impression particulière, à l’exception de sa bouche – petite et cruelle – et de ses yeux noirs, très enfoncés. Ses cheveux, rabattus en arrière, retombaient en longues mèches poivre et sel sur ses épaules.

   - Dekk est là, attaqua Lylia.

   - C’est ce que je vois, renvoya De Vries avec un léger accent hollandais. (Il se rassit, décala son fauteuil mobile pour nous faire face et ajouta avec humeur J Vous êtes démissionnaire, colonel ?

   - Foutez-lui la paix, coupai-je sèchement. Le double jeu que vous lui avez imposé jusqu’à maintenant n’a plus aucune raison d’être. J’ai besoin de vous, et vous de moi. Discutons.

   - Je n’ai absolument rien à vous dire. (De Vries décrocha son téléphone et appela : ) Richard ?

   - Richard est mort, lâcha Lylia.

   Il y eut un silence, ponctué par les craquements du bois dans la cheminée.

   - Que s’est-il passé ? demanda le Hollandais en raccrochant.

   - Celui qui hante la Lombrumière l’a tué.

   Cette fois De Vries me regarda bien en face.

   - Qu’est-ce que vous voulez au juste ?

   - La justice. La vérité. Et deux ou trois autres petites choses moins compromettantes.

   - Telles que ?

   - Boire un verre, pour commencer.

   Je sentis, plus que je ne vis, Lylia sourire dans mon dos.

   - Bonne idée, ça ! clama-t-elle.

   Ondulante, telle une sirène en jean, elle traversa la bibliothèque jusqu’au bar, dont elle sortit trois verres. De Vries la suivit des yeux et remarqua :

   - La justice et la vérité sont des valeurs difficilement négociables. Qu’avez-vous à offrir en échange ?

   - Un certain nombre de déductions.

   - Vos déductions ne m’intéressent pas.

   - Vous mentez, Simon. Vous mentez mal.

   Le Hollandais soupira.

   - Ne m’appelez pas Simon.

   - Pourquoi ? Mon père vous appelait comme ça, lui aussi.

   L’ange repassa. J’en profitai pour allumer une cigarette puis demandai :

   - Etes-vous prêt à m’écouter, maintenant ?

   De Vries ne répondit pas. Je secouai la tête avec exaspération, pris le verre que Lylia me tendait… Le moment était venu d’abattre ma première carte.

   - Déduction numéro un. Thomas Dekk, disparu de la circulation depuis six mois, se porte bien. Comme vous, il appartient à l’ECSI – à cette nuance près qu’il y occupe un rang hiérarchiquement supérieur au vôtre. C’est sans doute lui qui a suggéré mon recrutement au Comité. D’accord, jusqu’ici ?

 

 

Descriptif

Editions Fleuve Noir Anticipation 1842 année 1991 ISBN 2265046086, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués et passés, pages jaunies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,7 cm, 192 pages   

Produits pouvant vous intéresser