Belfond

EASTERMAN Daniel – Minuit en plein jour

Réf: pt-bdempj
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Description

Titre original « Midnight comes at noon »

Traduit de l’anglais par Bernard Ferry

Extrait 1

   Dans la plupart des cas, les choses se passèrent ainsi. Une simple réponse négative, un sourire. Personne ne revenait poser de questions. Cette famille-là avait vendu sa maison et quitté la région… revenez la semaine prochaine, j’essayerai de vous trouver leur nouvelle adresse. Untel était tomber gravement malade, et il avait fallu le transporter dans un hôpital de Londres… revenez à l’occasion, je chercherai le nom de l’hôpital.

   Personne ne prit la pleine mesure des changements intervenus. On savait seulement que telle personne ou telle famille était partie, ce qui semblait parfois curieux, mais ne justifiait nullement qu’on prévienne la police ou qu’on lance un avis de recherche. Lorsqu’un visiteur venait rendre visite à quelqu’un, la personne qu’il trouvait à sa place n’éveillait chez lui aucun soupçon. De toute façon, le village de Middlewick n’accueillait guère de visiteurs, raison pour laquelle, entre autres, il avait été choisi.

   Rien ne fut laissé au hasard. On prépara des excuses pour les absences, et les visiteurs, invités à prendre le thé, repartaient avec une excellente impression. Lorsqu’il le fallait, on répondait aux lettres de la famille et des amis. La plupart du temps, ces réponses étaient tapées à la machine (« Je me suis blessé à la main droite en réparant la voiture/le tracteur/la télévision, et le révérend Hunsley m’a prêté sa machine à écrire »). Le contenu de ces lettres était élaboré à partir du courrier précédemment intercepté et scanné sur ordinateur. Certaines furent rédigées en écriture manuscrite grâce à une technique informatique d’avant-garde.

   Au cours de ces éprouvantes semaines d’attente, aucun des nouveaux habitants de Middlewick n’abandonna longtemps son rôle. Parfois, un petit groupe se réunissait pour discuter des événements en cours ou pour commenter un message codé transmis par le quartier général. Les instructions étaient strictes : ne rien faire qui puisse éveiller l’intérêt ni les soupçons. Il avait fallu deux ans pour élaborer cette opération, et rien ne devait empêcher sa réussite.

   Une seule fois, ils faillirent être découverts. Ce fut au cours d’une visite de l’agent Marsh, le policier du commissariat central d’Hexham, chargé du village de Middlewick. Marsh était un homme calme d’une cinquantaine d’années qui n’avait jamais cherché à gravir les échelons de la hiérarchie. Il s’enorgueillissait de ses bonnes relations avec la population et s’efforçait d’utiliser ses qualités pour écarter du mauvais chemin ceux qui auraient eu la tentation de s’’y engager.

 

Extrait 2  

Résidence du président. Lieu inconnu.

   Jour après jour, il réfléchissait plus profondément à l’Holocauste. Non qu’il se vît lui-même comme une des victimes, car il ne cherchait pas à se comparer aux autres Juifs, mais il était président, issu du peuple, et il savait que son enlèvement avait porté un coup à ce peuple, à ceux qui avaient voté pour lui et à ceux qui avaient voté contre lui, Juifs, catholiques, protestants, ou rien du tout. Personne n’aurait pu prévoir l’attaque à Middlewick, et il n’en éprouvait aucune culpabilité. Il n’aurait rien pu faire. Mais, en même temps, en Europe, ils avaient été si nombreux à dire qu’Hitler les avait pris par surprise, et puis il y avait eu les lois de Nuremberg, la Nuit de cristal, etc., jusqu’aux chambres à gaz. Ils n’étaient nullement coupables. Mais un tel contexte lui fournissait un cadre pour ses comparaisons.

   Et peut-être aurait-il dû voir venir cela, et pas seulement lui, mais également ses conseillers. Maintenant qu’il connaissait le but ultime de ses ravisseurs, il se disait qu’ils avaient été négligents.

   Par la fenêtre, son regard plongea dans l’obscurité. La neige était tombée un peu plus tôt, blanche, crissante et très froide. Il frissonna. Leurs conditions de détention étaient beaucoup moins confortables qu’à bord du sous-marin. Il avait été sidéré lorsqu’ils avaient enfin débarqué. C’était un sous-marin de luxe, destiné à un nabab et à ses amis, transformé pour accueillir un homme, sa femme et une petite fille.

  Dès leur descente, on leur avait donné des vêtements chauds. Ils les portaient depuis lors, parfois même à l’intérieur, lorsque le poêle ne fonctionnait pas ou lorsque le temps devenait particulièrement inclément. La petite Tina en avait beaucoup souffert, et restait la plupart du temps à l’intérieur à regarder des vidéos. Rebecca et lui faisaient de leur mieux pour l’inciter à sortir, lui proposant des batailles de boules de neige ou des promenades en raquettes.

   De temps à autre, ils avaient aperçu des enfants de l’âge de Tina mais leurs ravisseurs ne les laissaient pas s’approcher et encore moins leur parler. En dépit de tous leurs efforts, Tina avait intériorisé son chagrin, et ils craignaient pour elle au cas où ce confinement devrait se prolonger. En vérité, ils craignaient pour eux aussi, mais le fait d’être ensemble leur permettait de mieux affronter la douleur.

 

Descriptif

Editions Belfond année 2001 ISBN 2714438725, état général correct, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, pages jaunies, livre d’occasion broché grand format de 15,7x24,2 cm, 420 pages   

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