J'ai lu

FERNEY Alice – Paradis conjugal

Réf: rf-jal9664
2,00 € TTC
 En stock
Ajouter au panier
Description

Extrait 1

   On peut se plonger dans une œuvre, se calfeutrer dans ce qu’elle fait lever en soi, rechercher sans finir ni se lasser sa tonalité spéciale et la rencontre qu’elle inaugure, ramifier la complicité que l’on entretient avec elle. Et c’est ce que fait Elsa Platte. On peut chercher le face-à-face intérieur avec ce que dit un artiste, et la confrontation de son langage avec la vie qu’on mène. On peut faire passer le temps à côté d’une œuvre et même à travers elle : le fil des jours dans le chas d’un film. On peut se servir d’une œuvre pour surmonter une épreuve. Est-ce qu’il ne s’agit pas souvent de surmonter ? Quand on n’aime pas la vie, on va au cinéma. Est-ce que le lien à la création d’art n’a pas à voir avec les difficultés d’être ? Comme si la vie avait besoin d’un écho, d’un ensemble architecturé de miroirs qui nous la révèle et nous l’éclaircisse. Elsa Platte s’installe face à face avec une histoire.

   L’histoire est celle de trois femmes qui se demandent laquelle d’entre elles vient d’être quittée par son mari.

   Bien sûr ce choix peut étonner. Pourquoi Elsa Platte est-elle si captive de ce film ? Bien sûr la question lui est posée.

   - Pourquoi regardes-tu ça ? Ce sujet est d’emblée déprimant. N’entends-tu pas suffisamment parler de couples qui se séparent ?

   - Ce n’est pas un film sur la séparation, c’est un film sur le mariage. Sur le soupçon. Sur l’imperfection dont on est toujours coupable et que l’on doit bien reconnaître. Sur toutes les raisons que, dans un couple, on aurait de partir. Sur l’amour qui fait rester, dit Elsa.

   Pourquoi as-tu acheté ça ? C’est un cadeau d’Alexandre. Ah oui ? Oui. Tu crois qu’il voulait te dire quelque chose ? Non. Il ne savait même pas de quoi il s’agissait.

   On peut emmêler sa vie à des œuvres. Ce que l’on vit rencontre ce que l’on regarde, ou ce que l’on lit vient s’entrelacer dans la trame des perceptions réelles. Par exemple, une musique peu à peu s’associe, pour l’éternité de notre esprit, à un moment vécu. On peut attarder, étirer l’instant dans l’œuvre, l’y faire tant traîner que se tisse le lien mental insécable entre ce temps et la contemplation. On peut s’alanguir dans l’émotion qui naît, s’estompe, renaît, resurgit à chaque contact avec l’œuvre. Elsa Platte jouait à ce jeu depuis l’enfance.   

 

Extrait 2  

   Deborah était assise sur un banc au milieu de quelques enfants, souriante à l’excès, et plus paresseuse que ses amies (les jambes croisées comme si elle s’était trouvée installée à un garden-party). Elle n’aidait à rien. Elle ne se distrayait pas dans l’activité fébrile de servir. Lora Mae, qui avait déposé son plateau par terre, se releva et les bras croisés sur sa poitrine, décréta : Ce sera une vraie journée de détente, nous ne penserons qu’au pique-nique et aux jeux, et puis à rentrer à la maison. L’ironie en elle le disputait au tourment, et l’on comprenait immédiatement qu’elle disait l’exact contraire de ce qu’elle pensait. Non, ça ne serait pas reposant. Et elles penseraient à tout sauf au pique-nique. Et ce serait épouvantable. Et la maison au retour pourrait bien être déserte et glacée. Mais Deborah n’entra pas dans cette discussion. Assise à côté d’une petite fille, elle dit : Kathleen va nous lire un conte de fées, et elle força son sourire, comme elle savait si bien le faire (je souris mais si vous saviez comme je suis mal). Un conte de fées ? dit Lora Mae. Ce sont mes favoris. J’ai grandi en croyant aux contes. Et j’ai fini par écrire le mien ! conclut-elle d’un air malicieux. Lora Mae Hollingsway avait pour dire ces mots un visage pur, éclairé par un sourire à la fois beau et terrible : sa sagacité soufflait des sous-entendus, des souffrances, une ironie née d’un mélange de réussite et de désabusement. Ainsi sont souvent les manipulateurs qui parviennent à leurs fins : déçus par les autres. Deborah serait-elle capable de faire face ? Non, elle ne l’était certes pas, elle ne voulait même pas penser à ce que disait son amie, et encore moins y répondre. Deborah Bishop dévisagea Lora Mae sans parler. Je commence ? demanda la petite fille, intimidée comme si elle avait deviné l’espace ouvert pas les sous-entendus. Si tu es prête, Kathleen, bien sûr, dit Deborah. Il était une fois… lut la fillette. Il était une fois… répéta rêveusement Deborah. Languide, elle se laissa tomber contre son dossier, son regard s’absenta. Il était une fois une petite fille qui était très pauvre et très belle… lisait la fillette. Deborah n’écoutait déjà plus, prise dans son tourment. Les mots du conte s’estompaient dans sa rêverie. Toute la réalité de l’instant s’enfuyait devant la puissance du souvenir.

  

 

Descriptif

Editions J’ai lu 9664 de 2011 ISBN 9782290020487, bon état général, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, intérieur assez frais, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 384 pages   

Produits pouvant vous intéresser