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FRANK Dan – Les calendes grecques

Réf: rf-prr555
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Description

Extrait

   A la porte, on a sonné. D’abord, j’ai eu peur. Ensuite, je me suis étonné : je ne connais plus personne.

   J’ai ouvert. C’était pour mon voisin d’en face, pas pour moi, on s’était trompé. Je fus pris du désir d’inviter la personne à boire un verre mais, outre que je n’ai plus d’alcool chez moi (à l’exception d’un vieux Fleurie), je ne me suis pas senti le courage de parler. J’ai refermé la porte et ai collé le dossier de mon fauteuil contre la cloison. Ainsi, j’entendais la serrure de mon voisin grincer, puis le battant, puis le visiteur entrer, puis le pêne claquer. Et c’était redevenu comme avant.

   Avant, justement, il y a de cela des années, j’ai, moi aussi, sonné chez une personne qui m’étais inconnue. Mais j’ai sonné volontairement, ce n’était pas une erreur, et je jouais ma vie sur ce bec-de-cane qui, finalement, s’est abaissé. Dans la rue, en bas, on me cherchait comme on cherchait tous les combattants en déroute qui fuyaient une armée, une police, un Etat. Nous avion perdu une bataille, nous nous cachions avant de repartir.

   Derrière la porte, se trouvait un homme assez vieux qui me fit entrer. Il me parla en espagnol. J’avais chaud. Il me fit asseoir à une table sur laquelle se trouvait une bouteille de xérès dont il me donna un verre. Puis il me demanda : « Les fascistes sont là ? » Je répondis que oui. Il grimaça et dit : « C’est une calamité pour l’Espagne. »

   Je suis resté chez lui pendant plusieurs jours. Il m’a nourri, m’a offert à boire, m’a parlé de son pays. Il demeurait optimiste. Moi, à lire les journaux, je comprenais que le généralissime Franco avait trouvé un puissant relais en la personne du Reichführer Hitler. Et j’étais désespéré.

   L’Espagnol et moi avons peu parlé. Le matin, il sortait, revenait quelques instants plus tard avec des journaux. Il ne savait pas lire. Je lui racontais les événements ; il m’écoutait sans ouvrir la bouche, se contentant de bougonner aux mauvaises nouvelles. Puis, quand j’avais fini, il se levait, tournait en rond dans son appartement misérable et finissait par s’asseoir devant la table, les mains posées sur le rebord, les pieds ramenés sous lui, le dos voûté.

 

Descriptif

Editions Points Roman R555 de 1992 ISBN 2020176750, état général correct, couverture souple, tranche et dos moyennement passés et marqués, pages jaunies, livre d’occasion broché format poche de 11x18,2 cm, 192 pages

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