Traduit du russe par G. Davydoff et P. Pauliat
Introduction de Jean-Paul Pellation
Illustrations de Lola Fielding
 
Extrait
 
   Près de la fenêtre, dans une petite pièce à demi obscure, mon père, vêtu de blanc, est étendu par terre. Il semble extraordinairement grand ; ses orteils sont écartés de manière étrange ; ses mains caressantes sont paisiblement posées sur sa poitrine, mais ses doigts sont contractés. Des pièces de bronze ferment de leurs cercles noirs ses yeux rieurs. Son visage, si bon d’ordinaire, est sombre. Un rictus découvre ses dents et emplit mon cœur d’effroi.
   A demi vêtue, portant une jupe rouge, ma mère est agenouillée près de lui et peigne ses cheveux longs et souples ; elle les ramène en arrière avec un peigne noir que j’aime prendre pour scier l’écorce des pastèques. Sans arrêt, d’une voix profonde et rauque, elle murmure. Ses yeux gris sont gonflés et semblent fondre, laissant échapper les larmes en grosses gouttes.
   Ma grand-mère me tient par la main. Elle est toute ronde ; elle a une grosse tête, des yeux énormes et un nez qui prête à rire, un nez tout poreux ; elle me semble noire de la tête aux pieds et toute molle. Elle m’intéresse prodigieusement. Elle pleure et ses sanglots étranges et harmonieux accompagnent la plainte de ma mère. Un tremblement la secoue tout entière et elle me tiraille, elle me pousse vers mon père. Mais je résiste, je me cache derrière elle ; j’ai peur, je suis mal à mon aise.
 
Editions Edito-Service aux alentours des années 1960 collection Les Classiques de la jeunesse, état général correct, couverture rigide, tranche et dos en bon état, intérieur passé, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion relié moyen format de 12,7x19,3 cm, 266 pages.