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GRASS Günter – Le chat et la souris

Réf: re-pR143
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Description

Titre original « Katz und Maus « Günter Grass, 1961.

Traduit de L’allemand par Jean Amsler

Extrait 1

   Cette prière ostentatoire, était-ce pour rire ? Votre maison était dans l’allée de l’Ouest. Ton humour, si tu en avais, était étrange. Non, votre maison était dans l’Allée de l’Est. Etaient toutes pareilles, les rues de la cité ouvrière. Pourtant, il suffisait que tu manges une tartine et nous étions pris d’un rire épidermique. Nous étions étonnés que tu nous aies fait rire. Mais le jour où le professeur Brunies demanda à tous les élèves de notre classe quelle profession ils exerceraient plus tard, et que – à l’époque, tu savais déjà nager – tu répondis : »Je serai clown et je ferai rire les gens. », personne ne rit dans la classe carrée – et je fus pris de frayeur, car Mahlke, tout en exprimant ç haute voix et droit devant lui sa volonté d’être clown au cirque ou ailleurs, avait un visage si grave qu’il fallait réellement craindre que plus tard il ne fit rire les gens par des moyens terribles, exemple : entre le numéro de fauves et l’attraction au trapèze, l’adoration publique de la Vierge-Marie ; mais cette prière sur la péniche, était-ce sérieux ou bien voulais-tu amuser ton monde ?

   Il habitait dans l’Allée de l’Est et non dans l’Allée de l’Ouest. Le pavillon d’un logement familial était à côté, au milieu et en face de similaires pavillons d’un logement familial, diversifiés par leurs seuls numéros, éventuellement grâce à leurs doubles rideaux à motifs variables, différemment drapés, à peine par la plantation contrastée des étroits jardinets de devant. Chacun de ces jardinets entretenait des nichoirs à oiseaux sur des perches et des ornements vitrifiés : ou bien des grenouilles, des amanites tue-mouches, ou bien des gnomes. Devant la maison de Mahlke était accroupie une grenouille en céramique. Mais aussi devant la maison suivante et devant celle d’après étaient accroupies des grenouilles de céramique verte.

   Bref c’était au vingt-quatre, et Mahlke habitait la quatrième maison à gauche en venant du Chemin du Loup. L’Allée de l’Est, comme l’Allée de l’Ouest qui lui était parallèle, tombait à angle droit dans le Chemin des Ours, qui était parallèle au Chemin du Loup. Quiconque descendait l’Allée de l’Ouest en venant du Chemin du Loup voyait à main gauche, par-dessus des toits rouge tuile, la façade et la face ouest d’un clocher au toit bulbeux oxydé.

 

Extrait 2  

   Quand l’été ramena les fraises, les communiqués spéciaux et le temps des baignades, Mahlke ne voulut pas nager. Nous allâmes à la péniche pour la première fois à la mi-juin. Nous n’étions tous pas très en train. Nous étions importunés par les élèves de quatrième et de troisième qui nageaient avant ou avec nous, se tenaient accroupis en meute sur la passerelle, plongeaient et remontaient la dernière charnière dévissable. Mahlke qui jadis avait dû implorer : » Laissez-moi venir, je sais maintenant nager » subissait désormais les harcèlements de Schilling, de Winter et de moi : » Viens donc. Sans toi c’est pas drôle. On peut aussi bien prendre un bain de soleil sur la péniche. Peut-être que tu trouveras encore un machin extraordinaire en bas. »

   A contre-cœur, après avoir fait plusieurs gestes de refus, Mahlke entra dans le tiède bouillon entre la plage et le premier banc de sable. Il y alla sans tournevis, resta parmi nous, à deux brassées derrière Hotten Sonntag, puis se détacha enfin tranquillement ; et, pour la première fois il était à plat dans l’eau sans contraction ni éclaboussure. Sur la passerelle, il s’assit à l’ombre derrière l’habitacle du compas, et il fut impossible de le déterminer à plonger. Il ne tourna même pas la tête quand les troisièmes disparurent dans l’avant et remontèrent avec des bricoles dans les mains. Mahlke aurait pu diriger l’apprentissage des gamins. Plusieurs voulaient recevoir de lui un conseil, mais il répondit à peine. Tout ce que faisait Mahlke, c’était de regarder, les yeux mi-clos, la haute mer en direction de la balise d’accostage ; ni les cargos qui entraient, ni les formations de vedettes lance-torpilles qui sortaient ne pouvaient le distraire. Seuls les sous-marins le rendaient mobile. Parfois, loin au large, le périscope sorti d’un sous-marin en plongée traçait une nette bande d’écume. Les engins de sept-cent-cinquante tonnes construits en série aux chantiers de Schichau faisaient leurs sorties d’essai dans la baie ou derrière la presqu’île de Hela, émergeaient dans le chenal, approchaient de l’entrée du port et nous passaient le temps. C’était joli quand ils faisaient surface : d’abord le périscope. Le kioske, à peine apparu, crachait un deux bonshommes. La mer ruisselait en cascades blanc mat sur la pièce de chasse, sur l’avant, puis de la poupe : grouillement à tous les trous d’hommes, nous poussions des cris et faisions des signes – je ne suis pas sûr qu’à bord du sous-marin on répondit à nos signaux, bien que je voie le geste en détail et le revivre encore une fois sous forme d’une tension amorcée dans l’épaule ; mais avec ou sans signaux de réponse : l’émersion d’un sous-marin touche le cœur et ne cesse plus – seul Mahlke ne faisait jamais de signaux.

 

Descriptif

Editions Points R143 de 1984 ISBN 2020067714, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, pages jaunies, livre d’occasion broché format poche de 11,5x18 ,2 cm, 192 pages   

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