Gallimard

MAULNIER Thierry – La Maison de la nuit

Réf: rf-gtmmn
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Description

Pièce de théâtre en trois actes, précédée de La politique ou la pitié ?

Extrait 1 de « La politique ou la pitié ? »

   Ai-je eu tort, en présentant cette pièce au public, d’écrire qu’elle n’était pas politique ? Sans doute allais-je au-devant d’un malentendu. Mais l’on va au-devant d’un malentendu, quoi que l’on veuille entendre. Politique, bien sûr, la pièce l’est. J’aurais peut-être mieux fait en sorte de dire seulement que j’espérais avoir fait en sorte qu’elle ne le fût pas trop, ou qu’elle ne le fût pas seulement. Le théâtre vit de conflits. Il me semble difficile qu’un auteur dramatique puisse au milieu de ce siècle éluder le conflit principal du moment, celui de l’Est et de l’Ouest : car il domine tous les autres aussi bien en imposant sa forme à ceux qui sont de tous les temps qu’en rejetant dans l’insignifiance ou la frivolité ceux qu’on prétendrait poser en dehors de lui. Qu’il soit à ce point dominateur, à ce point envahissant, on peut le regretter. Un bon nombre de nos contemporains se résignent mal à l’impossibilité de préserver contre lui leurs asiles habituels, la pêche à la ligne, le vin blanc sous la tonnelle, l’amour dans une chambre confortable, le théâtre. Un bon nombre de nos contemporains pensent que les heures ouvrables de la journée apportent assez d’ennui, de fatigue et de soucis, que les soirées sont faites pour se détendre, qu’un spectacle dramatique est une petite fête où l’on donne son argent afin d’être diverti, c’est-à-dire détourné, de toute la part désagréable de l’existence. Sans doute n’ont-ils pas tort. D’autres, moins nombreux, leur répondent que le théâtre n’a de dignité, et de sens, qu’autant qu’il offre à l’homme une image de sa propre condition, émouvante ou dérisoire ou l’un et l’autre ensemble, une possibilité de se reconnaître et de s’éprouver dans des figures plus puissamment significatives que celles qu’on croise sans les voir au coin de la rue. Sans doute n’ont-ils pas tort non plus. Le théâtre est ambigu. Il nous délivre de nos obsessions et pourtant il ne nous parle, et ne peut nous parler, que de ce qui nous obsède, ou il cesse aussitôt de nous intéresser. L’échec, l’insatisfaction dans le plaisir, l’angoisse de la jalousie, la fuite du temps, la mort, tout l’immense avortement humain sont son domaine. Il n’en a pas d’autre. Comme tout art, le théâtre est inquiétant. Rassurant aussi, je le veux bien. Ces gens qui sont sur scène, ce vieux cocu ridicule, cette reine qui meurt ne sont pas vrais.

 

Extrait 2 de la pièce

La Comtesse, Adler, Lydia

   Adler et la comtesse sont devant un échiquier. Lydia est immobile, les mains inoccupées. On sent qu’elle a l’habitude du désœuvrement et de l’attente.

La comtesse, prenant une pièce sur l’échiquier :  Je fais l’échange, monsieur Adler.

Adler, prenant une pièce à son tour : Vous jouez trop vite. Ils devraient bientôt être là.

La comtesse : Qui ?

Adler : Ceux que Klossowski est allé chercher (Coups de feu au loin.) Sur qui tire-t-on, mademoiselle Lydia ?

Autres coups de feu

Lydia, avec une sorte d’indifférence : Sur eux.

Adler : Ils traversent la zone interdite ?

Lydia : La zone interdite. La ligne des postes. Les fils de fer. Les projecteurs. Le terrain découvert avec les pièges. Le ruisseau.

La comtesse : Le ruisseau, c’est le pire. Je n’ai jamais pu supporter l’eau froide. Je voulais m’en retourner. Je disais au passeur : » J’aime mieux mourir. » Il m’a dit : » Moi pas. » Il m’a jetée dans l’eau, comme un sauvage. Notez qu’il a bien fait. A vous, monsieur Adler.

Adler : Ils n’ont pas le droit de poursuivre au-delà du ruisseau.

Lydia : Quelquefois, ils le font.

Nouveaux coups de feu.

La comtesse : Mais c’est une vraie fusillade. Vierge Marie, Mère immaculée de Dieu, veillez sur leurs âmes. Pour les corps, il ne faut pas trop compter sur vous.

Adler : L’alerte est-elle donnée souvent ?

Lydia : Quelqu’un qui est imprudent. Ou bien un changement dans l’horaire des patrouilles. Quelquefois Klossowski est prévenu. Quelquefois il n’est pas prévenu.

Abois lointains.

La comtesse : Qu’est-ce que c’est ?

Lydia : Les chiens.

Adler : Ils ont lâché les chiens ?

La comtesse : Des chiens contre des chrétiens. Les cannibales (abois plus proches.) Les voilà plus près.

Adler : Ils sont sur la piste.

Lydia : Ils cherchent la piste. Ils se répondent. Quand ils ont trouvé la piste, ils n’aboient plus. Rien que leur souffle. Ce qu’il faut, c’est qu’ils ne se taisent pas.

 

Descriptif

Editions NRF Gallimard de 1954, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués et salis, pages jaunies, livre d’occasion broché moyen format de 11,6x17,8 cm, 232 pages

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