Picquier

MO Yan – La carte au trésor

Réf: re-pip277
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Description

Titre original « Cangbao Tu »

Traduit du chinois par Antoine FERRAGNE

Extraits

1/   La devanture est plutôt étroite, à l’intérieur pas plus de trois tables et neuf tabourets. Un vieux couple tient le restaurant, le vieux a la tête entièrement blanche, la vieille le visage tapissé de rides, l’un et l’autre doivent bien avoir cent ans au moins. Au moment où nous entrons ils sont tous les deux assis dehors en train de fumer, lui la pipe, elle une cigarette, tout à fait indifférents à nous. Comme nous passons la porte, la vieille demande d’une voix claire et lumineuse très peu en accord avec son âge : deux personnes ? on mange des raviolis ? combien on en veut et quelle farce, les raviolis ? prendrez-vous quelques plats pour accompagner ? de la bière ? De l’œil j’invite Make à commander. Tu me laisses commander eh bien je commande, dit-il, mais je parie qu’il n’y a pas grand-chose de bon ici. Il se tourne vers la vieille : qu’est-ce que vous avez comme farce ? On a du chou, du navet, du fenouil, on fait aussi trois légumes frais. On veut tout, tout, deux cent cinquante grammes de chaque sorte d’abord, et si ça ne suffit pas eh bien on en recommandera. Et de la farce à la viande de requin, enchaine-t-il, vous avez ça ? et du crocodile ? du tigre ? et du renard ? Rien, rien, on n’a rien de tout ça, la vieille secoue successivement la tête, en parlant elle tire le coin de la bouche vers le bas avec mépris : à notre âge on se demande bien où est-ce qu’on irait chercher toutes ces viandes dont vous parlez. Je sais bien que vous n’avez rien de tout ça, dit-il, ce que je veux dire c’est que si vous n’en avez pas, d’autres certainement en ont eux, les choses que vous les choses que vous n’avez pas mangées, d’autre certainement en ont mangé eux, vous, les Pékinois vous vous imaginez que parce que vous vivez adossés aux murs de la Cité Impériale vous êtes tout emplis de savoir et que vous avez tout vu, en vérité vous êtes les gens les plus bornés et les plus mal instruits qui se soient jamais trouvés en Chine. Et le voilà qui nous raconte en long et en large comment Yantai chez un vieux camarade d’armes il eut l’occasion de manger des raviolis farcis à la viande de requin, comment à Canton chez un vieux camarade d’armes il eut l’occasion de manger des raviolis farcis à la viande de crocodile, comment encore dans les montagnes de Daxingan chez un vieux camarade d’armes il eut l’occasion de manger des raviolis farcis à la viande de tigre…

 

2/   Pour bien raconter le prodige de la moustache de tigre, encore faut-il faire une incise et remonter à cette année où dans le courant de l’hiver un ami m’avait invité à manger des raviolis à la viande de tigre. Après avoir mangé du tigre donc, mon corps se mit à me brûler, des élans bestiaux s’emparèrent de moi et afin de ne pas commettre de bêtise, je n’eux d’autre échappatoire que de briser la couche de glace qui recouvrait le fleuve Heilong et de me jeter dedans pour y rester à tremper. Les gens accouraient en grand nombre, en plus des Chinois, premiers à se présenter, les Russes de la rive opposée se pressaient pour voir le spectacle, parmi eux une jeune fille chevauchant un tigre, une adolescente d’une beauté sans pareille, et l’on fouillerait de fond en comble le ciel et la terre pour lui chercher une rivale que ce serait en vain. La température de mon corps était si élevée et dans ce trou de glace l’eau de la rivière avait été portée à un tel degré d’ébullition qu’il en émanait un petit sifflement continu, l’une à la suite de l’autre de grandes bouffées de vapeur s’élevaient à la verticale dans le bleu du ciel. Ayant eu vent de l’affaire, les reporters de la télévision se précipitaient caméra sur l’épaule et filmaient ce qu’ils voyaient. Tout aussi nombreux étaient les journalistes de presse, et que je te photographie, et que je te fasse crépiter mon flash, quand bien même l’aurais-je voulu il aurait été impossible de refuser, alors je les laissais photographier tout leur saoul. Flash une photo, flash encore une photo, les flashs des photographes me brouillaient la vue. Pour me protéger les yeux je détournai le regard, le posai sur la jeune fille russe, sur la tigresse. Cette bête se montrait d’une extraordinaire honnêteté, au début j’appréhendais qu’elle ne me morde, mais très vite je compris qu’elle ne me mangerait pas. De son énorme langue dont elle pourléchait sans trêve sa moustache toute ruisselante de larmes, elle alla même jusqu’à me lécher le visage, j’ai pensé cette fois je suis foutu, cette fois c’en est véritablement fini de mes joues, mais en définitive pas un morceau ne me fit défaut. 

 

Descriptif

Editions Picquier Poche 277 année 2006 ISBN 2877308723, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués et passés, intérieur assez frais, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,2 cm, 128 pages

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