France Loisirs

MONTEILHET Hubert – Neropolis

Réf: rf-flhmn
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Description

Extrait 1

   Les premiers souvenirs de Kaeso et les plus heureux remontaient à cette époque merveilleuse où Marcia, au sortir de la sieste, l’emmenait aux bains avec son frère Marcus. Eté comme hiver, les deux enfants glissaient leur menotte dans les mains fermes de leur mère d’adoption, attentive à les préserver de la bousculade, et par la Voie Suburane et l’»Argiletum », on prenait le chemin des thermes de femmes où Marcia avait ses habitudes. Situé à l’entrée des Forums, entre le temple rectangulaire de la Concorde Maritale et le petit temple rond de Diane, c’était un établissement d’un niveau honorable, offert à ses concitoyennes par une veuve généreuse. On était certes loin des thermes d’Agrippa du Champ de Mars, dont les installations variées, avec bibliothèques et galeries d’œuvres d’art, s’étendaient sur seize jugères, mais la donatrice, dont le buste marmoréen aux traits calmes dominait la salle de repos, n’avait pas lésiné.

   Les thermes réservés aux femmes étaient deux fois plus chers que les bains mixtes, qui coûtaient seulement un quart d’as, mais n’étaient guère fréquentés que par des dames de petite vertu, désireuse d’y lever un homme, ou soucieuse au contraire de se purifier l’épiderme après avoir fait la retape à la porte. De toute façon, les thermes étaient gratuits pour les enfants – et ils avaient même été gratuits pour tout le monde durant l’inoubliable édilité d’Agrippa, om l’on en comptait déjà près de deux cents !

   Et le rite immuable, harmonieux et bien réglé, suivait son cours…

   L’entrée franchie, on longeait la palestre extérieure en direction des vestiaires, suivi d’une esclave qui portait les « endromides », courts vêtements de sport en tissu-éponge, la fiole d’onguent, les courbes strigiles ou racloirs, les « gausapes », sortie-de-bain écarlate et pelucheuses, de larges serviettes et le nécessaire pour se refaire une beauté.

   A l’ »apodyterium », on se déshabillait, et, selon la température et le temps, on avait le choix entre la grande palestre extérieure et les deux palestres intérieures, dont l’une était couverte et l’autre à ciel ouvert.

 

 

Extrait 2  

   Le ghetto du Trastévère, de loin le plus important de Rome, était vraiment une ville à part. L’idée de confiner une communauté dans un quartier ne serait jamais venue à des juristes romains, et si les juifs pieux et pratiquants, qui étaient alors la grande majorité, vivaient partout entre eux, ce n’était pas la loi romaine qui le leur imposait, mais leur propre Loi. Un Juif de stricte observance, obsédé par la notion d’impureté, ne pouvait se sentir à l’aise en milieu étranger. Tout le heurtait et le contexte lui posait sans cesse des problèmes insolubles. L’alimentation, le costume, les mœurs, la morale de ce peuple étaient extraordinaires – quand ils n’étaient pas un défi constant à la civilisation ambiante.

   C’est dans la XIVe régions transtibérine, au nord de la forteresse du Janicule, que s’étalaient en désordre les quartiers les plus pauvres et les plus industrieux de Rome. Les nouveaux venus de toutes nations s’y concentraient dans l’espoir de gagner un jour les bas quartiers de la rive gauche et de monter enfin à l’assaut de l’une des six fameuses collines (le Capitole, bourré de monuments prestigieux, n’était plus habité que par quelques prêtres ou gardiens). Et au Trastévère, le ghetto juif semblait particulièrement miséreux, resserré et, en tout cas, d’une remarquable saleté.

   Les Juifs, en effet, ne fréquentaient pas les bains romains, qu’ils avaient en abomination, et leur idée de la propreté, pour obsessionnelle qu’elle fût, était plutôt d’ordre métaphysique. A chaque impureté, ils devaient se laver. Les hommes se lavaient après telle ou telle maladie, au sortir d’une chaude-pisse ou d’une teigne quelconque, voire à la suite d’un écoulement séminal accidentel ou d’un simple rapport conjugal. Et la femme devait encore prendre un bain après ses règles. Mais si chaque synagogue était assortie de thermes modestes pour la purification mensuelle des femmes juives, les ablutions des hommes restaient d’ordinaire localisées, furtives et lourdes de symbole. Le Juif, enfant du désert, n’avait nullement pour l’eau la passion du Romain.

   Le soleil était déjà haut lorsque Kaeso parvint à la minable maison de rabbi Samuel, dans une zone où les légères constructions individuelles l’emportaient de beaucoup sur les « insulae ». Qu’est-ce que tous ces Juifs pouvaient bien faire de l’argent qu’ils passaient pour manier à foison ?

   La servante du rabbi porta les tablettes à son maître, laissant Kaeso, que Séléné avait drapé dans une autre toge, patienter dans un couloir obscur.

   Et le rabbi en personne vint à sa rencontre, grand, vieux, sec, voûté, chevelure grisonnante et barbe noire hirsute, vêtu de ce curieux manteau à houppes que Kaeso avait déjà pu apprécié dans les ruelles du « vicus judaicus ».

   Le Pharisien paraissait fort surpris et passablement embarrassé, fixant Kaeso, d’un œil inquisiteur, caressant d’une main parcheminée et ridée son poil qui semblait dégager de forts effluves.

 

Descriptif

Editions France Loisirs année 1985 ISBN 2724224736, bon état général, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, Intérieur assez frais, livre d’occasion broché grand format de 15x22,2 cm, 750 pages   

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