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PIRINCCI Akif - Félidés

Réf: pt-pp393
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Description

Titre original « Felidae » Akif Pirinçci, 1989.

Traduit de l’allemand par Jean-Marie ARGELES

Extrait 1

   L’air solennel, Gustav fouilla dans la poche de son pantalon avant de finir par en extirper un vieil anneau métallique muni de nombreuses clés. Il passa un index négligent dans l’anneau, leva un peu les clés en l’air en les faisant cliqueter, puis il se pencha vers moi. De l’autre main il me tapota la tête en émettant des gloussements de joie. Je présume qu’il tentait un de ces discours prometteurs que les jeunes mariés ont coutume de tenir à leurs épouses avant de leur faire franchir le seuil dans leurs bras ; il continuait, ce faisant, de faire cliqueter les clés dans sa main tout en me montrant l’étage inférieur, afin que le rapport entre les clés et l’appartement ne m’échappât point. Cher, cher Gustav, il avait la grâce d’Oliver Hardy et le talent pédagogique d’une maréchal-ferrant.

   Comme devinant mes pensées, mon compagnon eut un fugitif sourire d’amicale compréhension. Mais avant qu’il se fût enfin décidé à me faire effectivement franchir le seuil, je lui filai entre les doigts en direction du petit perron. Tandis que je gravissais d’un pas hésitant les marches fragiles, jonchées de feuilles jaunies de l’automne, mon regard tomba sur un rectangle clair sur le mur de brique, à côté du montant de la porte. Des vis, depuis longtemps rouillées, étaient enfoncées dans le mur, à chacun des coins du rectangle. Les têtes en étaient arrachées. On aurait dit que quelqu’un avait enlevé de force, en toute hâte, une plaque du mur. Je supposai qu’un cabinet médical ou un laboratoire avait précédemment été installé dans cette maison, ce qui aurait expliqué, par ailleurs, les odeurs chimiques subliminales.

   Puis je fus brutalement interrompu dans mon raisonnement génial. J’étais planté devant la porte de ma future maison, contemplant la plaque disparue du Dr Frankenstein, quand une autre puanteur, bien familière cette fois-ci, me monta au nez. Faisant fi des réalités territoriales de ce quartier, un congénère avait impudemment laissé une carte de visite nauséabonde contre le montant de la porte. Mon entrée dans les lieux clarifiant désormais les rapports de propriété, je ne me privai pas, bien sûr, d’apposer ma propre signature contre ledit montant de porte. Je pivotai de cent quatre-vingts degrés, me concentrai le plus intensément que je pus et y allai de bon cœur.

   Le jet tous usages, et non polluant, gicla entre mes pattes arrières et inonda l’emplacement où mon prédécesseur avait déposé son souvenir. Le monde avait retrouvé son ordre – du moins l’ordre avait-il été clarifié.

 

Extrait 2

   Sitôt après l’apparition de Barbe-Bleue, le propriétaire de Felicitas (le type même du noble tombé dans la gêne, à qui ne manquaient ni le monocle, ni le pyjama de soie, ni la pipe d’écume, ni même la chevalière) s’était réveillé et nous avait souhaité le bonjour, à grand renfort de gestes et de bruits rudimentaires qui ne différaient guère de ceux de Gustav. Comme Sa Seigneurie, privée qu’elle était de « James », devait en personne aller chercher les petits pains et le journal, je saisis l’occasion au vol et m’échappai dès qu’elle eut ouvert la porte de l’appartement. J’avais auparavant pris congés de Felicitas, lui promettant de revenir la voir.

   Je regrimpai sur le toit et y retrouvai Barbe-Bleue qui m’y attendait. Il était assez embarrassé pour parler des événements de la nuit, mais je me souciais comme d’une guigne de sa susceptibilité.

   - D’une part, tu es venu me trouver pour que j’entreprenne quelque chose dans cette histoire de meurtres, d’autre part, tu m’as caché l’essentiel. Je me demande à qulles belles surprises je dois encore m’attendre, lui reprochai-je en grinçant des dents.

   - L’essentiel, l’essentiel ! Dieu du ciel, qui aurait jamais pu avoir une idée pareille ! Ce truc de Claudandus n’est rien d’autre qu’une espèce de passe-temps, un moyen de mettre un peu nos nerfs à l’épreuve, ou bien notre courage. Appelle ça comme tu voudras. Merde oui ! Qu’est-ce que tout ça a à voir avec ce dingue de brise-nuques ?

   J’étais sur le point d’exploser de fureur. Jouait-il les idiots ?

   - Rien du tout bien sûr, espèce d’abruti ! La smala entière se réunit pour se flanquer dans un état second, où se mêlent l’ivresse et la violence, un état propice à n’importe quels coups tordus, mais, bien entendu, cela n’a rien à voir avec les meurtres. Tu as menti, Barbe-Bleue ! Ou, plutôt tu m’as dissimulé des informations importantes. Et tu le sais parfaitement, mon ami. Pour quelles raisons exactes tu l’as fait, voilà qui reste pour moi une énigme.

   - Eh bien, ou, je pensais que ce n’était peut-être pas si important que ça, balbutia-t-il avec embarras.

   - Pas si important que ça ? Lorsqu’il s’agit d’élucider une affaire aussi délicate, chaque détail à son importance, Barbe-Bleue, chaque détail ! La moindre petite chose peut, selon les circonstances et de manière imprévisible, revêtir une signification. Et, à l’avenir, prend bonne note de ceci : ou tu joues franc jeu avec moi ou nous ne jouerons plus du tout ensemble !

 

Descriptif

Editions Points P393 année 1997 ISBN 2020256983, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, pages jaunies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x18,2 cm, 318 pages   

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