Tome 43 comprenant
- Quand j’étais vieux
Extrait de « Quand j’étais vieux »
Toujours au sujet du cynisme. Je pense qu’un roi croit ou plutôt croyait être roi de droit divin, croyait à sa mission, à la nécessité, au nom du pays ou de la dynastie, d’abattre ses ennemis, voire des membres de sa famille. Le pape finit par se croire pape. Le général croit à la nécessité de sacrifier cent mille hommes dans une bataille. Truman croyait de son droit de lancer une bombe sur Nagasaki.
J’ai connu au hobereau, un jeune comte de trente ans, qui possédait un vaste château, quelques fermes. Il venait d’épouser une fille non aristocrate mais qui avait vingt-cinq ou vingt-huit fermes en dot. Il l’habillait à Prisunic et ils vivaient chichement dans leur château bourré d’objets de valeur. Je me souviens des détails. A côté du téléphone dont pouvaient éventuellement se servir les rares invités, il y avait une soucoupe et un avis : « Prière de déposer X francs pour chaque communication. » C’était pendant la guerre. On ne pouvait téléphoner hors ville. La communication était donc très bon marché.
Un jour que nous parlions de mariages d’amour, il s’est expliqué franchement.
- Cela nous est interdit, à nous. Nous avons reçu un héritage de nos ancêtres. Nous n’en sommes que les dépositaires, notre vie durant. Nous devons le rendre, intact, et si possible accru, à nos héritiers.
Il était sincère, mangeait à peine à sa faim. Il était pourtant jeune et ce n’était pas au siècle dernier mais en 1942.
Il faisait son marché lui-même et, après avoir commandé le poisson pour sa femme et lui, réclamait du poisson moins frais pour les domestiques.
Il n’y voyait aucun mal.
On parle de conscience nous avertissant du bien et du mal. Comment peut-elle varier selon les lieux et les époques ?
Editions Rencontre année 1973, bon état général, couverture rigide reliée simili-cuir bleuté, tranche et dos en bon état avec les bordures un peu frottées, intérieur assez frais, livre de collection avec signet relié moyen format de 12,8x18,5 cm, 506 pages.
