Préface de Gérard Chauvet
Traduction de Georges Guiffrey
Extrait
Tandis que l’armée anglaise s’éloigne de la Belgique et se dirige vers les frontières de la France pour y livrer de nouveaux combats, nous ramènerons notre aimable lecteur vers d’autres personnages qui vivent en Angleterre au sein du calme le plus profond et ont aussi leur rôle à jouer dans le cours de notre récit.
La vieille miss Crawley était toujours à Brighton, où elle ne se tourmentait pas beaucoup des terribles combats livrés sur le continent. Briggs, toujours sous l’influence des tendres paroles de Rebecca, ne manqua pas de lire à sa chère Mathilde la gazette, où l’on parlait avec éloge de la valeur de Rawdon Crawley et de sa promotion au grade de lieutenant-colonel.
- Quel dommage, disait alors sa tante, que ce brave se soit embourbé dans une pareil ornière, c’est malheureusement une sottise irréparable. Avec son rang et son mérite il aurait trouvé à épouser au moins la fille d’un marchand de bière qui lui aurait apporté une dot de 250 000 livres sterling, comme miss Grain-d’Orge, par exemple. Peut-être même aurait-il pu songer à une alliance avec quelque famille aristocratique de l’Angleterre. Un jour ou l’autre je lui aurais laissé mon argent à lui où à ses enfants, car je ne suis pas encore fort pressée de partir, entendez-vous, miss Briggs, quoique vous soyez peut-être plus pressée d’être débarrassée de moi, et il faut que tout cela manque ; et pourquoi, je vous prie ? Parce qu’il lui a pris fantaisie d’épouser une mendiante de profession, une danseuse d’opéra.