Fleuve Noir

G. MORRIS - VIC ST VAL vole dans les plumes

Réf: esp-fne34
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Description

Extrait 1

   Tous les bidonvilles se ressemblent. Des slums US aux Bustees de Bombay ou de Calcutta et des favelas brésiliennes aux villas miseria de Buenos Aires, tout ce qui change c’est le nom. La langue qu’on y parle. Les hommes qui la parlent, les races, les mœurs, les couleurs de peau. Mais la misère est partout la même. Et les décors de la misère. Le décor toujours sordide et partout semblable de la famine et du dénuement.

   Partout semblable pour la bonne raison qu’il est partout construit, dans le même style patchwork, à partir des mêmes matériaux. Planches et panneaux hétéroclites volés sur les chantiers ou récupérés sur les décharges publiques, bidons vides aplatis au marteau, caisses et cartons d’emballage, morceaux de bâches et de feuilles de plastique, ce sont partout les mêmes alluvions, les mêmes rejets des sociétés nanties.

   Et n’est-il pas symbolique que les « damnés de la terre », les « forçats de la faim », pour reprendre les mots d’une chanson célèbre, construisent leurs villes-annexes accrochées aux flancs des villes, leurs villes proliférantes, leurs villes excroissances, leurs villes cancers, précisément à l’aide de ce que rejettent, dédaigneusement, les sociétés nanties ?

   Comparativement prospère, par rapport à bien d’autres, le barrio Lacarra s’étend sur quarante hectares où survivent, au jour le jour, plusieurs dizaines de milliers d’âmes. Parce que les autorités ont, depuis longtemps, renoncé à guérir ce chancre, parce que les gens qui l’habitent s’y sentent relativement à l’abri des expulsions soudaines appuyées par la force armée, les poulaillers humains y sont, dans l’ensemble, plus élaborés, plus solidement plantés que dans la plupart des bidonvilles et l’on y trouve même, luxe inouï, quelques maisons préfabriquées.

   De la plus basse qualité, sans doute, mais qui n’en ont pas moins l’air de vraies maisons. Le tio Jorda est propriétaire d’une de ces préfabs, au cœur du Barrio. Inutile d’en demander le chemin (que tout le monde connaît, du reste). Suivre simplement le premier éclopé, la première patte folle qui s’aide d’un bâton, le premier visage couvert d’eczéma, le premier vieillard poussé dans une brouette. C’est probablement là qu’ils vont. Le tio Jorda, dans le barrio, c’est Mességué-Super-star. Et Mességué, c’est m’adopter. Ils l’ont pleinement adopté, le tio ! Qui soit dit en passant, n’est le tio de personne. « L’Oncle Jorda », c’est l’équivalent du « père Jorda », dans notre langue. Aucune parenté réelle mise en cause.

 

Extrait 2

   Ce que j’espérais se produisit le surlendemain.

   A ma propre surprise, car je n’attendais pas, si tôt, le résultat de ma petite annonce. Je m’explique :

   Il y en a qui, pour obtenir ce qu’ils souhaitent, un appartement, une tabatière Louis XV, une fille bien sous tous les rapports font passer des annonces dans les journaux locaux.

   C’est exactement ce que j’avais fait.

   Une petite annonce verbale.

   Dans le journal parlé du barrio Lacarra.

   Quelques mots lâchés, au rade d’un prostibulo du style « cheval d’or », par un Snaky, redevenu crasseux, miteux, ivrognard pour la circonstance, et douze heures minutes plus tard, douze minutes je le jure, un observateur placé au Caballo de Oro, entendait répéter le message.

   Avec des variantes, dans la forme.

   Mais parfaitement conforme, quant au fond. Le téléphone arabe fonctionne mieux que l’autre, dans ces quartiers déshérités. Jamais de dérangement dans les lignes. Jamais de circuits surencombrés. Jamais de faux numéros, non plus. Discrétion mise à part, les messages ainsi téléphonés, parviennent toujours à leurs destinataires. De la façon la plus directe et la plus satisfaisante. Et celui qui nous occupe était libellé comme suit :

   - Conchita… Hick !... La Conchita de Manuel… Oups !... Elle se pavane le cul au Palacio Real avec deux gringos… Beurk !... Je l’ai vue de mes propres yeux, la puta… Hhfff !... Sapée comme une lady et roulant Cadillac avec ceux qui la baisent !

   Révoltant, non ? De quoi faire bouillir le sang d’un honnête maquereau, et c’est là-dessus que je comptais. Sur une réaction rapide de la part de Miguel. Qui pouvait être dangereuse. Et pour Conchita, et pour nous. Mais en dernière analyse, ce n’était pas Conchita que nous étions venus chercher à Buenos Aires. Pas vraiment. C’était Miguel.

   Or, Conchita ne savait rien. Ni sur cette histoire d’oiseaux, ni sur la façon de remonter jusqu’à Miguel. Il était constamment par monts et par vaux, Miguel. Il venait relever ses compteurs, à intervalles irréguliers. Ou bien il envoyait quelqu’un pour encaisser, à sa place, ses dividendes. Le reste du temps… mystère !

 

Descriptif

Editions Fleuve Noir Espiomatic 34 de 1975, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués et passés, pages jaunies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,7 cm, 256 pages

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