Le livre de poche

AUSTER Paul – Seul dans le noir

Réf: re-ldp32921
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Description

Titre originale « Man in the dark » Paul Auster, 2008.

Traduit de l’américain par Christine Le Bœuf

Extrait 1

   Ces deux derniers mois, nous avons passés nos journées, Katya et moi, à regarder des films ensemble. Côte à côte sur le canapé du salon, les yeux vissés à l’écran de télévision, nous nous envoyons deux, trois, jusqu’à quatre films à la suite de l’autre et, après une interruption pour dîner avec Miriam, nous retournons sur le canapé voir un film ou deux de plus avant d’aller nous coucher. Je devrais travailler à mon manuscrit, ces Mémoires que j’ai promis à Miriam de rédiger lorsque j’ai pris ma retraite il y a trois ans, l’histoire de ma vie, celle de la famille, la chronique d’un monde disparu, mais en vérité je préfère rester assis sur le canapé avec Katya, lui tenir la main, la laisser poser la tête sur mon épaule, sentir mon cerveau s’engourdir devant l’interminable procession des images qui dansent sur l’écran. Pendant plus d’un an, je m’y suis attelé jour après jour et j’ai accumulé un beau paquet de pages, à peu près la moitié de l’histoire, dirais-je, voire un peu plus, mais maintenant, il me semble que je n’ai plus le cœur a l’ouvrage. Ça remonte peut-être à la mort de Sonia, je ne sais pas, la fin de la vie en couple, la solitude, cette foutue solitude après sa disparition, et puis j’ai bousillé cette voiture de location, j’ai détruit ma jambe, j’ai bien failli y rester, et peut-être y a-t-il aussi ceci en plus : l’indifférence, le sentiment qu’après soixante-douze ans sur cette terre, qui diable se soucie le moins du monde que j’écrive ou non à mon propre sujet ? Je n’ai jamais représenté à mes yeux quoi que ce soit d’intéressant, pas même quand j’étais jeune, et je n’ai certainement jamais eu la moindre ambition d’écrire un livre. J’aimais en lire, voilà tout, lire des livres et puis écrire ensuite à leur propos, mais j’ai toujours été un sprinter, jamais un coureur de fond, pendant quarante ans j’ai cavalé tel un lévrier après des dates butoirs, accouchant en expert de l’article de sept cents mots, de celui de quinze cents mots, de la colonne semi-hebdomadaire, de la commande occasionnelle d’un magazine – combien de milliers en ai-je crachés ? Des décennies de productions éphémères, des monceaux de papier journal brûlé et recyclé et, contrairement à beaucoup de mes confrères, je n’ai jamais eu le moindre désir de rassembler ce qu’il y avait de bon – à supposer qu’il y en eût – et de le publier sous forme de livres que personne de sensé ne songerait à lire. Que mon manuscrit à demi achevé continue pour l’heure à prendre la poussière. Miriam, elle, se donne à fond, elle arrive à la fin de sa biographie de Rose Hawthorne, en mordant sur ses heures de sommeil, ses week-ends, tous les jours où elle n’est pas obligée d’aller faire ses cours à Hampton, et pour le moment c’est sans doute assez d’un écrivain dans la maison.

 

Extrait 2  

   Un couple âgé se rend à Tokyo en visite chez ses enfants adultes : un médecin besogneux, qui a lui aussi femme et enfants, une coiffeuse qui dirige un institut de beauté et une belle-fille qui a été mariée avec un autre fils, mort à la guerre, jeune veuve qui vit seule et travaille dans un bureau. Dès l’abord, il est manifeste que le fils et la fille ont tendance à considérer la présence de leurs vieux parents comme un fardeau, un embarras. Absorbés par leurs occupations professionnelles, ils n’ont pas le temps de s’occuper d’eux comme il conviendrait. Seule la belle-fille s’arrange pour leur manifester un peu de gentillesse. Finalement, les parents quittent Tokyo et s’en retournent chez eux (l’endroit n’est pas précisé, je crois, ou alors mes yeux se sont fermés et cela m’a échappé), et, quelques semaines plus tard, sans aucun signe avant-coureur, sans maladie prémonitoire, la mère meurt. L’action du film se poursuit alors dans la maison familiale de ce village ou de cette ville sans nom. Les enfants adultes viennent de Tokyo pour les funérailles, de même que la belle-fille, Norika ou Noriko, je ne sais plus, mais optons pour Noriko. Ensuite un deuxième fils arrive d’ailleurs, et il y a enfin la benjamine de la famille, qui habite encore chez les parents, une jeune femme d’une vingtaine d’années, enseignante dans une école primaire. On a tôt fait de comprendre non seulement qu’elle adore et admire Noriko, mais encore qu’elle la préfère à ses propres frères et sœur. Après les funérailles, la famille se trouve réunie autour de la table du déjeuner et une fois de plus le fils et la fille venus de Tokyo sont occupés, occupés, occupés, trop absorbés par leurs soucis personnels pour offrir à leur père beaucoup de réconfort. Ils se mettent à regarder leurs montres, et décident de repartir pour Tokyo par l’express de nuit. Le deuxième frère décide, lui aussi, de partir. Il n’y a rien d’ouvertement cruel dans leur comportement – il faut insister sur ce point, c’est en vérité l’essentiel de ce que montre Ozu. Ils sont seulement distraits, captifs des activités de leurs existences personnelles, et d’autres responsabilités les appellent. Mais la douce Noriko reste, elle ne veut pas abandonner son beau-père à son chagrin (un chagrin muré, au visage de pierre, assurément, mais chagrin tout de même) et, le dernier matin de son séjour prolongé, elle et la fille institutrices prennent ensemble le petit déjeuner.

 

 

Descriptif

Editions Le Livre de poche 32921 année 2013 ISBN 9782253174714, bon état général, couverture souple, tranche et dos légèrement marqués et passés, intérieur assez frais, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 216 pages   

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