Flammarion

BEDEL Maurice - Zigzags

Réf: ess-fmbz
6,00 € TTC
 En stock
Ajouter au panier
Description

Extrait

1/   Voyagez donc, ne craignez point de passer les frontières, courez du nord au sud, de l’occident à l’orient ; partout, Français embarrassés de ne point parler et entendre d’autre langue que celle de vos pères, partout, du Grand Belt au Bosphore, du Prater de Vienne à la Chaussée de Bucarest, vous trouverez sur votre route tant d’éléments de votre beau langage que vous pourrez aller, venir, dépenser votre argent, vivre en un mot, sans embarras et sans tracas.

   Aimez-vous les frimas, vous accommodez-vous d’un bon petit froid sec de vingt à trente degrés ? Passez la Baltique, gagnez le Danemark, la Suède. Ici on parle français, on mange français. Par les effets d’une tradition que tous les gourmets du monde doivent saluer bien bas, vous trouverez sans peine dans des petites villes pas plus grosses que ça le restaurant ou la restauration qui vous offriront à toute heure, soit dans la sal, soit dans un salong, de la cuisine française : omlet fineserb, beuf jardinier, pom sauté, précédés, si vous le désirez d’un kabaret – ce sont les hors-d’œuvre – ou d’un kabaret arrangé – ce sont les hors-d’œuvre enrichis d’un plat chaud. Ne vous méprenez pas sur les mots plat de ménage qui pourraient vous faire penser à quelque bœuf gros sel ou haricot de mouton de chez nous : ils désignent bonnement l’huilier avec son moutardier.

 

2/   Je ne devais quitter Constantinople qu’assez longtemps après ma décevante conversation avec cet homme de grande politesse et de petit savoir.

   Pendant tout mon séjour je fus en proie à une mélancolie mêlée d’accès de fureur. Partout en cette ville incomparable je ne trouvais qu’abandon, ruine et misère d’esprit.

   Le dernier sourire de la mourante Constantinople, c’est sur les lèvres du Bosphore qu’il faut l’aller cueillir. C’est le sourire d’une malade qui croit encore à la vie, alors que son entourage connaît la vérité et cache son désespoir.

   Les yali s’effritent ; les petits treillis de leurs moucharabieh s’en vont par morceaux : là où la prunelle d’une femme trouvait juste un chemin à sa curiosité, s’ouvrent des passages larges comme un baiser ; mais, seuls, la pluie et le vent s’y glissent en leurs jeux sans mystères. Les jardins défeuillés découvrent les ruines les plus mélancoliques ; celles des demeures dévorées par le feu. On me les dit si belles au printemps sous la glycine en fleurs ! Cela peut être vrai ; aujourd’hui la glycine semble un serpent rôdant en quête d’un dernier élément de vie à étouffer. Les Eaux-Douces d’Azur, sont d’un jaune limoneux ; cette rivière a tellement donné aux écrivains qui l’ont visitée qu’elle me refuse aujourd’hui toute bonté. Elle nourrit quelques canards barbotant, quelques mouettes avides de détritus ; elle ne nourrit plus la littérature.

 

Descriptif

Editions Flammarion année 1933, état général moyen, couverture souple, tranche et dos marqués et passés avec des petits accrocs et une déchirure sur la couverture, pages jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché moyen format de 12,2x18,7 cm, 250 pages

Produits pouvant vous intéresser