France Loisirs

BROUWERS Jeroen – Rouge décanté

Réf: re-fljbrd
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Description

Titre original « Bezonken rood »

Traduit du néerlandais par Patrick GRILLI

Extrait

1/   Quand j’avais six ou sept ans de moins qu’aujourd’hui, j’étais « égaré au tréfonds de la forêt, complètement sorti du droit chemin » : je passais ma vie à dériver, de-ci de-là, à moitié ivre en permanence par dégoût de la vie et par désir de ne pas être présent.

   Un soir d’été, dans un café de la petite ville de *** où j’avais échoué par hasard, j’ai rencontré Liza, ou Liza m’a rencontré. Elle avait un visage sympathique, doux et intelligent – elle portait des vêtements aux tons pastels et légers comme de la gaze qui bruissaient chaque fois qu’elle faisait un mouvement.

   « Et si on allait au lit, maintenant ? » J’ai dit cela moins d’une heure après notre première rencontre, ou Liza l’a dit – c’est le langage nonchalant de ces année-là, d’après « la révolution » : Le langage de l’ennui mortel, de l’amertume et des illusions perdues.

   Je suis resté avec elle deux ou trois jours, puis je me suis remis « en route », dans ma voiture, seul, reprenant ma quête, oubliant Liza et oubliant peu à peu tout ce qui la concernait, jusqu’à son nom – mais de loin en loin, je me souvenais encore de cette petite ville : qu’elle était décorée de drapeaux et d’oriflammes, agrémentée de verdure et de fleurs, parée de tapis et de reposoirs.

   L’époque de ces « dérives » et de ces « échouages » est révolue, j’ai trouvé mon port d’attache et dernièrement ma femme a encore mis au monde une petite fille, à peu près au moment même où, n’ayant pas voulu, par dégoût, assister à la naissance, je me regardais dans le miroir, et tenaillé par l’angoisse, n’y reconnaissais pas mon visage. Au travers de la chevelure que j’avais autrefois, la peau de mon crâne transparaissait et, dans les cheveux qui me restaient encore, des raies blanches étaient apparues. Encore un peu et je voyais dans le miroir le portrait de mon père, tel qu’il a regardé ma mère pendant dix-sept ans du haut de son téléviseur.

 

2/   Je vois le Jap qui rosse une femme avec une baguette en rotin, ou si ce n’est pas une baguette en rotin, c’est la crosse d’un fusil. Elle bascule et tombe sur le sol en hurlant, et elle y laisse une traînée de sang qui est absorbée par la terre rouge et devient invisible.

   Elle a volé une croûte de pain. Elle a fait un petit fu pour faire bouillir de l’eau. Elle n’a pas vu passer un Jap qui faisait sa ronde, où l’a vu trop tard, de sorte qu’elle ne s’est pas inclinée devant lui, ou s’est inclinée trop tard. Elle est arrivée en retard à l’appel.

  Une femme doit rester vingt-quatre heures au garde-à-vous, nue, sur la place des appels. Le jour, on dirait que l’air va éclater tant il fait une chaleur épouvantable. La nuit, cette femme chate à pleins poumons parce qu’elle pense que ça la réchauffera, elle est au centre d’un réseau de projecteurs. Les mitrailleuse placées dans les miradors qui entourent le camp son braquées sur elle jour et nuit.

 

Descriptif

Editions France Loisirs année 1997 ISBN 2744105627, Bon Etat général, Livre sans la jaquette, couverture rigide, tranche et dos légèrement passés et marqués, intérieur assez frais, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion relié grand format de 14,7x21,3 cm, 166 pages

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