Traduit de l’américain par Paola APPELIUS

Titre original « Working stiff »

Extrait

1/  C’était un cauchemar, complètement irréel. Et pourtant, étrangement familier. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait un cadavre évacué sur un brancard, après tout.

   Lucy, la réceptionniste, l’aida à se nettoyer dans les toilettes pour hommes, sans cesser de babiller. Elle lui raconta qu’une fois elle avait trouvé un homme qui s’était tiré une balle dans la tête dans l’un des salons funéraires, et que ça l’étonnait même que ce genre de choses ne soit pas plus fréquent dans ce métier, où les gens sont à cran à cause de l’adrénaline et du chagrin.

   Bryn n’éprouvait plus rien. C’était sans doute le choc. Elle avait vu mourir beaucoup de gens, mais jamais de cette façon. Pas dans un lieu aseptisé. Quelqu’un – M. Fairview ? – l’enveloppa d’une jolie couverture tricotée, lui fourra un verre de whisky dans la main, puis la laissa seule.

   Impossible de sortir la scène de la tête : les yeux sombres et implorants de la fille, ses sanglots, sa culpabilité. Bryn but le whisky sans en sentir le goût alors qu’elle détestait ça, et la vérité crue s’imposa à elle avec une grande netteté.

   Ils avaient emmené Mélissa Granberry à la morgue et elle finirait au sous-sol dans la salle de préparation, comme son père.

   J’aurais pu faire quelque chose. J’aurais pu l’en empêcher. Ce n’était qu’une gamine.

   Reposant son verre sur la table basse, Bryn se mit à pleurer, secouée de longs sanglots silencieux.

   M. Fairview avait raison. Les mouchoirs en papier étaient exactement à la bonne place quand elle en eut besoin.

2/   Rien dans la chambre stérile où elle était enfermée ne permettait à Bryn de se faire une idée de l’heure. Au moins, ils ne l’avaient pas ligotée, c’était déjà ça. Elle se rendait régulièrement aux toilettes, un petit espace impersonnel adjacent à la pièce principale. Le retour à la vie ou a ce qui y ressemblait, s’accompagnait manifestement de celui des besoins naturels. Elle continuait à se demander s’ils lui avaient menti et si, après tout, elle n’était pas dans un état parfaitement normal. Elle se sentait exactement comme avant. Elle se sentait bien.

   Elle était vivante. Au diable ce que lui avait dit McCallister. Ce n’étaient que des foutaises pour lui faire peur, voilà tout. Elle avait tout bonnement perdu connaissance quand Freddy l’avait étouffée dans le sac en plastique. Quelqu’un avait retiré le sac avant qu’il ne soit trop tard, elle était restée dans les vapes un bon moment, et maintenant elle allait bien. Tout s’expliquait parfaitement.

   En fait, elle n’était même plus sûre d’avoir vu ce qu’elle avait en mémoire. Mme Jones n’était probablement qu’une droguée en manque. Quant au corps dans la housse… Non, c’était certainement le cadavre en décomposition d’une victime de meurtre. Rien d’anormal. Et le cadavre n’avait pas bougé.  

Descriptif

Editions J’ai Lu darklight 10646 de 2014 ISBN 9782290058121, Etat général Moyen, couverture souple, tranche et dos passés et marqués, intérieur assez frais, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché format poche de 12,2x18,2 cm, 448 pages