Albin Michel

CARCO Francis – De Montmartre au Quartier Latin

Réf: lr-amfcmql
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Description

Extrait

1/   Max Jacob était plus discret ; il habitait au 9 de la rue Ravignan, une espèce de resserre dans la cour où pour seul ornement, les signes du zodiaque tracés à la craie verte et rose, s’étalaient sur les murs et proposaient aux camarades un rébus enchanté.

   J’avais fait sa connaissance chez le pète Edouard Gazanion qui me logeait alors et poussait su loin les lois de l’hospitalité qu’il ne s’absentait jamais de Paris sans marquer à la craie tous ses meubles dans l’ordre où je pourrais m’en séparer… et l’affliger le moins.

   Max Jacob n’était point encore le saint homme du monastère de Saint-Benoist-sur-Loire. S’il nous entraînait quelquefois au Sacré-Cœur dans la chapelle de la Vierge où il s’agenouillait, se signait et tombait en extase, c’était les lendemains d’orgie, et le poète qui d’ordinaire l’accompagnait, en était sidéré.

   C’est que Max s’occupait fort peu des bigotes qu’il avait pour voisines. Il priait à voix haute, suppliait la Vierge de l’aider à se vaincre, l’appelait Marie, tel qu’en songe, la tutoyait, lui narrait ses misères. Cela faisait scandale et son compagnon le poète – qui est l’homme le plus poli du monde – ne savait où se terrer. Malgré son admiration pour Max, il finissait par le lâcher, quitte à déclarer dans les bars à de jeunes personnes qui le prenaient pour un hurluberlu :

   - Il n’y a pas une heure, mesdemoiselles, en compagnie de M. Max Jacob, je demandais à Notre-Dame la Vierge de veiller sur vos nuits.

 

2/   cependant, tout en haut de la rue Ravignan, chez l’ami Emile, dans un bistrot friand de peinture, comme tous les bistrots de la Butte, Markoussis avait commencé de décorer les murs de l’arrière-salle et l’on s’y donnait rendez-vous. Cette décoration, traitée avec beaucoup de goût et de science, nous parut fort heureuse, et l’on raconte qu’un soir Utrillo qui en avait entendu parler, vint la voir, se tint silencieux, puis en compta les cubes.

   Que la rue Ravignan fût vouée au cubisme, elle le méritait bien car, à deux pas de l’Ami Emile, place Emile-Goudeau, le cubisme était né. Picasso, Max Jacob, Salmon habitèrent cette place, au n°13 dans une espèce de construction en bois qui ressemble à un bateau-lavoir, et qui d’ailleurs existe toujours. Des ateliers donnant sur la place ou sur d’humides jardins, de vagues appentis s’y trouvent rangés à la suite et ouvrent sur un long corridor. On y respire une atmosphère de pauvreté, d’abandon, d’austère et noire misère, mais c’est là, toutefois, que fut offert par des admirateurs au gentil douanier Rousseau, un grand repas qui, pour une cause encore inexpliquée, n’arriva que le lendemain.

 

Descriptif

Editions Albin Michel année 1949, Bon Etat général, couverture souple, tranche et dos un peu passés et marqués, intérieur assez frais, tranches des pages un peu salies et jaunies, pas de déchirures, livre rare broché grand format de 12,2x18,8 cm, 252 pages

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