Les colonnes du ciel Tome 1
Extrait
1/ Le Jésuite allait d’un bon pas, et Mathieu se disait : »Voilà un homme qui marche bien. Pour un curé, il marche bien. Ce ne doit pas être un endormi qui passe sa vie à marmonner des prières. » Voyant les grosses chaussures ferrées du prêtre, il eût envie de lui demander s’il était venu de Dole à pied, mais le temps qu’il se décide à formuler sa question, le Jésuite s’était remis à parler.
- Vous savez, le vieux saunier a raison. La Comté sans le sel, ce n’est plus la Comté. Je connais d’autres pays, mais je n’en vois pas qui aient une pareille richesse. Les bois de la montagne, la pierre, la viande, le lait, les fromages, le miel, le charbon, les céréales, le vin et le sel par-dessus le marché, c’est quelque chose ! Une terre faite pour vivre sur elle-même. Les Comtois ont raison de tenir à leur indépendance. Ils ont tout ce que le bon Dieu a fait de meilleur sur la terre. Même les rivières et les torrents avec leur force pour exploiter tout cela. Mais voir ce pays dans la misère, et parce que des hommes sont pris de folie, quelle tristesse !
Ils allèrent un moment sans parler. Leur pas sonnait sur la pavé et celui du sergent qui les suivait était comme un écho mal accordé.
2/ Ils étaient encore à plus de cent pas des premières bâtisses lorsque, malgré le vent qui soufflait pat le travers et le bruit du chariot, ils perçurent une rumeur. Sans même s’être assuré que les roues ne risquaient pas de s’enfoncer, Mathieu serra la bride contre son épaule et arrêta. Il fit un pas de côté pour s’écarter du souffle bruyant de la jument. Le prêtre qui s’était avancé un peu plus revint vers lui, et, le prenant par le bras, dit doucement :
- Je sais. Quand on entend cela pour la première fois, c’est impressionnant. Mais on s’y fait vite. Vous verrez… Et puis, vous ne passerez pas vos journées ici. Le cimetière est certainement assez loin des loges… Il faut être fort, Guyon. Je ne veux pas que vous trembliez de la sorte.
Il marqua un temps, puis s’approchant davantage, d’une voix plus sourde, il reprit :
- Ecoutez-moi, mon fils. Si vous avez vraiment peur il est encore temps. Personne d’ici ne nous a vus. Vous pouvez aller. Mais moi, même s’il m’est arrivé d’hésiter, de douter qu’ils aient vraiment besoin de nous, à présent que je les entends, je ne doute plus. C’est le mal qui les fait se plaindre et crier ainsi. Je suis venu pour les aider à dominer ce mal. Le mal et la solitude où chacun d’eux se sent, malgré le nombre.
3/ Résumé
Au XVIIe siècle, la guerre de Trente Ans ravages la Franche-Comté qui est l’une des plus riches provinces de la couronne d’Espagne. Durant cette conquête par la France, des centaines de villages sont incendiés, des milliers d’hommes torturés, sauvagement assassinés ou décimés par la peste.
Certains, pourtant, continuent à vivre, à se battre, à espérer des jours meilleurs. Ils sont soldats, paysans, nobles ou compagnons. Leur histoire commence au cours de ‘hiver 1639, dans la région de Salins où Mathieu Guyon, un charretier, est désigné d’office pour enterrer les victimes de la peste parquées dans un village isolé…
Descriptif
Editions Pocket 10210 année 1997 ISBN 2266078518, Bon état général, couverture souple, dos et tranche un peu marqué, intérieur assez frais, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11x17,8 cm, 320 pages