Extraits
1/ Nombre d’hommes ne se sentent bien qu’après avoir pris un café au lait, ou fait dix minutes de culture physique – à moins qu’ils ne préfèrent réveiller leur voisin avec le Concerto pour trompette et orchestre de Haydn. Il en est qui se sentent mieux encore en conduisant les trois opérations dans le même mouvement.
Le Patron, lui, ne se trouve vraiment en forme qu’après avoir passé sa mauvaise humeur sur le premier tiers venu – sa moitié, par exemple, ou n’importe quel second, chauffeur ou téléphoniste. Parfois il croit devoir s’en expliquer à un témoin interloqué :
- Excusez-moi… mais je ne me sens tout à fait bien qu’après avoir engueulé quelqu’un ! C’est tombé sur lui. Nous disions ?
Pour satisfaire complètement ce besoin matinal, et atteindre la vitesse de croisière qui lui permettra de traverser la journée en ayant affirmé d’entrée son autorité, M. de Witt-Piquet dispose d’un ring privé avec manager en état permanent d’alerte : Chagnotin.
Chagnotin est son punching-ball, ou, pour mieux obéir aux vigilants gardiens de la langue française, son sparring partner.
C’est presque un rite. Il est 10 heures. Petit sommet, brain storming ou conférence, l’appellation de ce comité restreint peut changer mais le coup d’envoi est toujours le même. Réunis en arc de cercle autour du Patron, ses sept bras droits épousent la forme de son immense bureau en fer à cheval avant d’épouser ses idées, voire les contrarier pour mieux les embrasser ensuite.
Soleil, assis de cette constellation, M. de Witt-Piquet trône derrière sa forteresse acajou, la tête traversée par le tropique du Cancer : simple effet d’un planisphère mural qui lui permet, face à une demi-douzaine de personnes, d’avoir le monde entier derrière lui.
2/ Résumé
Made in France est le miroir à multiples facettes de nos folies quotidiennes comme de certaines démences millénaires négligées des historiens. Satire d’une grande entreprise qui vend des idées, des slogans, des mots pimpants, des formules choc, qui fait du problem solving et du rentabilizing (entre autres choses qui font ding !), et des sondages et des études de marché.
Satire de la vie quotidienne dans un immeuble baptisé « le Margrave » (aux quartiers de noblesses a succédé la noblesse de quartier). Satire d’une intelligentsia qui, au pays de toutes les libertés, déniche chaque jour de nouvelles servitudes et, caricaturant l’oppression, trouve partout des ghettos, met de l’atrocité dans un chapeau, des camps de concentrations sur les plages, du fascisme dans le langage.
Satire d’un monde aux huit dixièmes déjà englué dans la nasse de régimes totalitaires, et dont les deux dixièmes encore libres, pris de vertige suicidaire, semblent prêts à s’y jeter. Protagonistes de Made in France : au cadre, le narrateur, vivant au milieu de cadres avides de porter au plus haut leur « équation personnelle » ; un ménage qui ne s’entend pas mais que l’on entend beaucoup ; un PDG, M. de Witt-Piquet ; un ordinateur qui connaîtra le grand frisson lorsque, chargé de délivrer le portrait-robot de l’homme politique idéal, il ingurgitera les moustaches de Vercingétorix, la fistule de Louis XIV et le képi de De Gaulle ; une cover-girl norvégienne, Turid.
Pourquoi Turid, passant de troubles tendances actuelles, apparemment frivoles, aux Assyriens perceurs d’yeux, décidera-t-elle de préparer une thèse sur le sado-masochisme considéré comme élément moteur de l’Histoire, prouvant qu’il y a un sado-masochisme social, politique, voire touristique ; et comment son visage, inscrit dans l’hexagone d’une affiche électorale, provoquera un scandale national – c’est la trame de Made in France.
Descriptif
Editions Julliard année 1977 ISBN 2260000754, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, intérieur assez frais, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché grand format de 13,3x20,2 cm, 258 pages.
