Extrait

1/   J’avais 12 ans à la naissance de Grégorio, troisième et dernier de mes frères, donc trop grand pour être jalouse de ce bébé tout blond aux yeux bleus, le portrait de sa mère polonaise, et non de son père kabyle aux cheveux et yeux bruns et à la peau claire. Un jour, au bar, un client éméché avait même fait la sale blague que ma mère, elle avait conçu le petit avec un russkoff qu’était de passage à l’hôtel ; mon père avait alors sorti son flingue, et plus personne n’a jamais osé cette blague.

   On jouait beaucoup Grégo et moi, surtout à la bagarre ; et il adorait ça.

   Lorsqu’il a eu dix ans, un gamin de son école l’a traité de « fils de folle et de taulard », ce qui était vrai, mais Grégo, lui a quand même foncé dessus et l’a déglingué en moins de deux.

   Faut dire qu’à cette époque y avait de quoi être susceptible : pendant que Papa faisait un tour par la case prison, Maman habitait chez les fous.

2/   Pour ma toute première entrée au bar, on m’a organisé une fête de bienvenue.

   J’avais un peu peur de l’attention de tous ces gens autour de moi, moi qui n’avais connus que celle de Zaza. Et puis deux bras délicats m’ont enlacée et j’ai reconnu son odeur : Maman. Elle pleurait et je ne comprenais pas pourquoi.

   « Pourquoi tu pleures ? je lui ai demandé. Pourquoi tu pleures ? »

   « Parce que je t’aime, ma Fidèle… Je suis pleine de joie. »

   « Fidèle ?! a ri quelqu’un, comme Castro ? »

   Papa a posé son pouce sur son cou, pour signifier au gars qu’il allait lui trancher la gorge ; et plus jamais personne n’a osé cette blague.

   Maman avait subi son premier internement en rentrant à Paris, à cause de la guerre qui se déroulait dans sa tête ; puis un deuxième parce qu’elle s’est comme aperçue d’un coup qu’elle m’avait laissée là-bas… Mon oncle me raconterait plus tard qu’elle pleurait parfois : Nous sommes partis sans emmener la petite fille !

   En écho à : Je ne peux emmener que la petite fille !

3/   Résumé

   Fidèle grandit dans une famille résolument dysfonctionnelle. Son père kabyle, enchaine les allers-retours en prison et sa mère, fervente catholique, ceux à l’asile. Malgré tout elle s’épanouit, entourée de ses six frères et sœurs aux personnalités fortes et aux prénoms panachés : JR, Dalida, Jésus… Cette tribu demeure au Bout du Monde, le bar familial à Belleville, théâtre de leurs joies et de leurs peines,. Jusqu’au jour où, reconnue intellectuellement précoce, Fidèle est envoyée dans un lycée des beaux quartiers.

   Dans cet autre bout du monde, les élèves se nomment Apolline ou Augustin et regardent de haut son Perfecto, ses manières de chat de gouttière et ses tee-shirts Nirvana. Mais c’est aussi là que l’attend l’amour, le vrai, celui qui forme, transforme… Celui qui sauve.

Descriptif                                           

Editions J’ai lu 12685 année 2021 ISBN 9782290212240, Très Bon état général, couverture souple, tranche et dos très légèrement marqués, intérieur frais, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 384 pages