Le livre de poche

FRANCE Anatole - Crainquebille

Réf: rf-ldp3460
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Description

Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables.

Extrait 1

   Le Président Bourriche consacra six minutes pleines à l’interrogatoire de Crainquebille. Cet interrogatoire aurait apporté plus de lumière si l’accusé avait répondu aux questions qui lui étaient posées. Mais Crainquebille n’avait pas l’habitude de la discussion, et dans une telle compagnie le respect et l’effroi lui fermaient la bouche. Aussi gardait-il le silence et le président faisait lui-même les réponses ; elles étaient accablantes. Il conclut :

   « Enfin, vous reconnaissez avoir dit : « Mort aux vaches ! »

   - J’ai dit : « Mort aux vaches ! parce que monsieur l’agent a dit : « Mort aux vaches ! Alors j’ai dit : Mort aux vaches !

   Il voulait faire entendre qu’étonner par l’imputation la plus imprévue, il avait, dans sa stupeur, répété les paroles étranges qu’on lui prêtait faussement et qu’il n’avait certes point prononcées. Il avait dit : « Mort aux vaches ! » comme il eût dit : » Moi ! tenir des propos injurieux, l’avez-vous pu croire ? »

   M. le président Bourriche ne le prit pas ainsi.

   « Prétendez-vous, dit-il que l’agent a proféré ce cri le premier ? »

   Crainquebille renonça à s’expliquer. C’était trop difficile.

   « Vous n’insistez pas. Vous avez raison. », dit le président.

   Et il fit appeler les témoins.

   L’agent 64, de son nom Bastien Matra, jura de dire la vérité et de ne rien dire que la vérité. Puis il déposa en ces termes :

   « Etant de service le 20 octobre, à l’heure de midi, je remarquai, dans la rue Montmartre, un individu qui me sembla être un vendeur ambulant et qui tenait sa charrette indûment arrêtée à la hauteur du numéro 328, ce qui occasionnait un encombrement de voitures. Je lui intimai par trois fois l’ordre de circuler, auquel il refusa d’obtempérer. Et sur ce que je l’avertis que j’allais verbaliser, il me répondit en criant : » Mort aux vaches ! » ce qui me sembla être injurieux. »

   Cette déposition, ferme et mesurée, fut écoutée avec une évidente faveur par le Tribunal. La défense avait cité Madame Bayard, cordonnière et M. David Matthieu, médecin en chef de l’hôpital Ambroise-Paré, officier de la Légion d’honneur. Madame Bayard n’avez rien vu ni entendu. Le docteur Matthieu se trouvait dans la foule assemblée autour de l’agent qui sommait le marchand de circuler. Sa déposition amena un incident.

 

Extrait 2

   « Ce jardin de notre enfance, dit M. Bergeret, ce jardin qu’on parcourait tout entier en vingt pas, fut pour nous un monde immense, plein de sourires et d’épouvantes.

   - Lucien, tu te rappelles Putois ? demanda Zoé en souriant à sa coutume, les lèvres closes et le nez sur son ouvrage d’aiguille.

   - Si je me rappelle Putois !... De toutes les figures qui passèrent devant mes yeux quand j’étais enfant, celle de Putois est restée la plus nette dans mon souvenir. Tous les traits de son visage et de son caractère me sont présents à la mémoire. Il avait le crâne pointu…

   - Le front bas », ajouta mademoiselle Zoé.

   Et le frère et la sœur récitèrent alternativement d’une voix monotone, avec une gravité baroque, les articles d’une sorte de signalement :

   - Les yeux vairons.

   - Le regard fuyant.

   - Une patte d’oie à la tempe.

   - Les pommettes aigües, rouges et luisantes.

   - Ses oreilles n’étaient point ourlées.

   - Les traits de son visage étaient dénués de toute expression.

   - Ses mains, toujours en mouvement, trahissaient seules ses pensées.

   - Maigre, un peu voûté, débile en apparence…

   - Il était en réalité d’une force peu commune.

   - Il ployai facilement une pièce de cent sous entre l’index et le pouce.

   - Qu’il avait énorme.

   - Sa voix était traînante…

   - Et sa parole mielleuse. »

   Tout à coup M. Bergeret s’écria vivement :

   « Zoé ! nous avons oublié « les cheveux jaunes et le poil rare ». Recommençons. »

   Pauline, qui avait entendu avec surprise cette étrange récitation, demanda à son père et à sa tante comment ils avaient pu apprendre par cœur ce morceau de prose, et pourquoi ils le récitaient comme une litanie.

 

Descriptif

Editions Le Livre de poche 3460 de 1973, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et salis, pages jaunies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x16,7 cm, 192 pages   

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