Le livre de poche

HIGGINS CLARK Carol – L’accroc

Réf: pt-ldp7694
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Description

Titre original « Secret admirer » Patricia Macdonald 1995.

Traduit de l’américain par Roxane AZIMI

Extrait 1

   Trônant à la table de conférence luisante comme un miroir, Ruth Craddock haletait d’exaspération. A sa droite, un cendrier gorgé de mégots maculés de rouge à lèvres orange. Elle tapotait en permanence son éternelle cigarette dans la direction du cendrier mais atteignait rarement la cible. Tout autour, des boîtes de Coca-Cola écrasées. Le discours véhément de Ruth Craddock n’était interrompu que par les longues bouffées qu’elle tirait sur sa cigarette, des inhalations puissantes comme des tornades qui fronçaient ses joues burinées et promettaient de laisser d’énormes dépôts de nicotine et de goudron jusque dans ses petits orteils. Et chaque exhalation était suivie d’une lampée de Coca.

   « On va se faire avoir ! lança-t-elle de sa voix rocailleuse. Nous devons absolument acheter la formule de ce nouveau collant, sinon c’est la faillite assurée ! Si quelqu’un met la main dessus avant nous, il ne nous restera plus qu’à déposer le bilan et à partir à la pêche ! »

   Les huit membres du conseil d’administration assis autour de la table pâlirent et secouèrent la tête. Tous ces vieux messieurs suivaient les destinées d’Arum depuis les premiers jours ; or, c’était la première fois qu’on les convoquait pour une réunion d’urgence depuis le jour funeste dans les années soixante, où le blue-jean avait supplanté la jupe et ouvert sous leurs pieds un gouffre vertigineux. Les femmes voulaient se libérer, et notamment des jarretelles. Ces jarretelles qui s’incrustaient douloureusement dans la chair de leurs cuisses quand elles s’asseyaient, en y laissant des marques. Or, les jarretelles soutenaient les bas, et les bas faisaient vivre Arum. C’est alors, Dieu merci que le collant avait fait son apparition et empêché les femmes d’adopter définitivement le jean ou l’abominable tailleur-pantalon à la place des jupes et des robes.

   Les fabricants de soutien-gorge avaient eux aussi traversé une période noire lorsque leurs clientes s’étaient mise à jeter au feu leurs jolis bonnets en dentelle. Par chance, la plupart des femmes s’étaient aperçues qu’on ne peut pas lutter contre les lois de la nature et de la gravité, et le secteur du soutien-gorge s’était raffermi. Si l’on peut dire !

   « Je vous le répète, insista Ruth après une autre bouffée de fumée et une lampée de Coca, nous devons racheter son brevet à ce Blossom avant qu’un autre le fasse. Son collant Birdie est stupéfiant. Confortable, sexy, possible dans toutes les couleurs et, pire que tout… »

   Les membres du conseil se raidirent.

   « Indémaillable et indéchirable ! »

 

Extrait 2

   Les bonneteries Arum avaient réservé une suite à l’hôtel Watergreen afin d’y installer leur quartier général pour la durée du congrès. Le siège social de la compagnie étant établi à Miami, les autorités d’Arum, à savoir Ruth Craddock, jugèrent inutile d’offrir des chambres à leurs employés pour la nuit. Pourtant, ces mêmes employés étaient réquisitionnés pour toutes les réunions, des tables rondes matinales, devant le petit-déjeuner, aux colloques tardifs sur le développement des ventes de collants dans les pays tropicaux.

   Ce vendredi, les choses ne roulaient pas comme sur des roulettes. Ruth, surnommée « la Brute » par ses subordonnés malmenés, ne décolérait pas. Elle essayait de localiser les membres manquants du conseil d’administration dont la présence était indispensable pour le vote du samedi. Perdue dans des volutes de fumée grise, elle braillait au téléphone.

   « Comment ça il explore la brousse à dos de mule ? Tâchez de le repérer, lui et son sac à dos, et fourrez-le dans un avion ! Qu’il emporte sa mule, si ça peut lui faire plaisir ! » Ruth se força au calme et tira une longue bouffée avant de poursuivre : « Je me fiche que ce soit son rêve de jeunesse ! S’il voulait découvrir sa vraie personnalité, il aurait dû commencer avant quatre-vingt-trois ans ! »

   Et elle raccrocha brutalement.

   « Ruth, intervint avec hésitation Ethel, sa secrétaire, on vous attend pour votre exposé dans dix minutes.

   - Quel exposé, déjà ?

   - La hauteur des jupes aux genoux, décret arbitraire ou réalité ?

   - Où sont mes notes ?

   - Devant vous.

   - On a des nouvelles d’Irving ?

   - Aucune.

   - Ethel, vous connaissiez mon grand-père.

   - Eh, bien, j’ai été sa secrétaire pendant des an…

      - Je le sais ! hurla Ruth. Ce que je veux dire, c’est que les gens se fichent de tout, de nos jours. Voilà le problème. Ils se fichent que mon grand-père ait monté cette entreprise à partir de rien, en reprisant des bas sur la table de la salle à manger, le soir. Ils s’en moquent. Ils ramassent leur chèque à la fin de la semaine et la société peut aller se faire pendre ailleurs. Seulement, si les affaires s’effondrent à cause de ce nouveau collant indéchirable, ils n’auront plus que leurs yeux pour pleurer. »

   Ethel secoua la tête d’un air compréhensif et compatissant, tandis que Ruth écrasait sa cigarette dans le cendrier et s’appliquait une nouvelle couche de rouge à lèvres.

   « Votre grand-père serait très fier de voir comment vous avez repris les rênes de l’entreprise, Ruth. C’était un très brave homme. Parfois un peu autoritaire…

   - Ethel ! l’interrompit Ruth en refermant son sac d’un coup sec. Je serai là dans une heure. J’espère trouver quelque bonne nouvelle à mon retour. »

   S’il n’y en a pas, j’en fabriquerai, se promit Ethel.

 

Descriptif

Editions Le Livre de Poche 7694 année 1997 ISBN 2253076945, état général correct, couverture souple, tranche et dos marqués et passés, pages un peu jaunies, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché format poche de 11,3x17,8 cm, 256 pages.

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