Le livre de poche

HOUELLEBECQ Michel – La possibilité d’une île

Réf: rf-ldp30729
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Description

Extrait

1/   Isabelle s’affaiblissait. Ve n’était bien sûr pas facile pour une femme déjà touchée dans sa chair, de travailler pour un magazine comme Lolita où débarquaient chaque mois de nouvelles pétasses toujours plus jeunes, toujours plus sexy et arrogantes. C’est moi, je m’en souviens, qui abordai la question en premier. Nous marchions au sommet des falaises de Carboneras, qui plongeaient, noires, dans des eaux d’un bleu éclatant. Elle ne chercha pas d’échappatoire, de faux-fuyant : effectivement, effectivement, il fallait maintenir dans son travail une certaine ambiance de conflit, de compétition narcissique, ce dont elle se sentait de jour en jour plus incapable. Vivre avilit, notait Henri de Régnier ; vivre use, surtout – il subsiste sans doute chez certains un noyau non avili, un noyau d’être ; mais que pèse ce résidu, face à l’usure générale du corps ?

   « Il va falloir que je négocie mes indemnités de licenciement… dit-elle. Je ne vois pas comment je vais pouvoir faire ça. Le magazine marche de mieux en mieux, aussi ; je ne vois pas quel prétexte invoquer pour mon départ.

   - Tu prends rendez-vous avec Lajoinie et tu lui expliques. Tu lui dis simplement, comme tu me l’as dit. Il est vieux, déjà, je pense qu’il peut comprendre. Bien sûr, c’est un homme d’argent, et de pouvoir, et ce sont des passions qui s’éteignent lentement ; mais, d’après tout ce que tu m’en as dit, je pense que c’est un homme qui peut être sensible à l’usure. »

 

2/   La conférence de l‘après-midi était assurée par Odile, une femme d’une cinquantaine d’années qui avait eu le même genre de vie sexuelle que Catherine Millet, et qui d’ailleurs lui ressemblait un peu. Elle avait l’air d’une femme sympa, sans problèmes – toujours comme Catherine Millet – mais son exposé était un peu mou. Je savais qu’il y avait des femmes comme Catherine Millet, qui partageaient le même genre de goûts – j’estimais le pourcentage à environ une sur cent mille, il me paraissait invariant dans l’histoire, et peu appelé à évoluer. Odile s’anima vaguement en évoquant les probabilités de contamination par le virus du sida en fonction de l’orifice concerné – c’était visiblement son dada, elle avait réuni tout un tas de chiffres. Elle était en fait vice-présidente de l’association « Couples contre le sida », qui s’efforçait de mener à ce sujet une information intelligente – c’est-à-dire permettant aux gens de n’utiliser un préservatif que quand c’était absolument indispensable. Je n’avais pour ma part jamais utilisé de préservatif, et ce n’est pas à mon âge, et avec l’évolution des trithérapies que j’allais m’y mettre – à supposer que j’aie de nouveau l’occasion de baiser ; au point où j’en étais, même la perspective de baiser et de baiser avec plaisir, me paraissait une motivation largement suffisante pour envisager de terminer l’affaire.

 

Descriptif

Editions Le Livre de poche 30729 année 2007 ISBN 9782253115526, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués, intérieur assez frais, tranches des pages salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 480 pages

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