Le livre de poche

HUXLEY Aldous – Le meilleur des mondes

Réf: sf-ldp346
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Description

Traduit de l’américain par Jules CASTIER

Extrait

1/   Préface de l’auteur en 1948

   Le remords chronique, tous les moralistes sont d’accord sur ce point, est un sentiment fort indésirable. Si vous vous êtes mal conduit, repentez-vous, redressez vos torts dans la mesure du possible, et mettez-vous à l’œuvre pour vous mieux conduire la prochaine fois. Sous aucun prétexte, ne vous abandonnez à la méditation mélancolique sur vos méfaits. Se rouler dans la fange n’est point la meilleure manière de se nettoyer.

   L’art, lui aussi, a sa morale, et un grand nombre des règles de cette morale sont identiques, ou au moins analogues, aux règles de l’éthique ordinaire. Le remords, par exemple, est aussi indésirable en ce qui concerne notre mauvaise conduite qu’en ce qui concerne notre mauvais art. Ce qu’il y a de mauvais doit être traqué, reconnu, et, si possible, évité à l’avenir. Méditer longuement sur les faiblesses littéraires d’il y a vingt ans, tenter de rapetasser une œuvre défectueuse pour lui donner une perfection qu’elle a manquée lors de son exécution primitive, passer son âge mûr à essayer de réparer les péchés artistiques commis et légués par cette personne différente qui était soi-même dans sa jeunesse – tout cela, assurément, est vain et futile. Et voilà pourquoi ce nouveau Meilleur des mondes est le même que l’ancien. Ses défauts, en tant qu’œuvre d’art, sont considérables ; mais pour les redresser, il m’eût fallu récrire le livre – et, au cours de ce travail de rédaction nouvelle auquel je me serais livré en qualité de personne plus âgée, et différente, je me défierais probablement, non seulement de quelques-uns des défauts du récit, mais aussi des quelques mérites qu’il a pu posséder à l’origine. C’est pourquoi, résistant à la tentation de me vautrer dans le remords artistique, je préfère me dire que le mieux est l’ennemi du bien, comme le pis est celui du mal, et penser à autre chose.

 

2/   Dehors, dans le jardin, c’était la récréation. Nus sous la douce chaleur du soleil de juin, six ou sept cents petits garçons et petites filles couraient sur les gazons en poussant des cris aigus, ou jouaient à des jeux de balle, ou étaient accroupis en silence par groupes de deux ou trois parmi les buissons en fleur. Les roses étaient épanouies, deux rossignols faisaient leur soliloque dans les bosquets, en coucou émettait justement ses cris dissonants parmi les tilleuls. L’air était somnolent du murmure des abeilles et des hélicoptères.

   Le Directeur et ses étudiants s’arrêtèrent quelque temps à observer une partie de Ballatelle Centrifuge. Vingt enfants étaient groupés en cercle autour d’une tour en acier chromé. Une balle lancée en l’air de façon à retomber sur la plate-forme au sommet de la tour dégringolait à l’intérieur, tombait sur un disque en rotation rapide, était projetée à travers l’une ou l’autre des nombreuses ouvertures percées dans l’enveloppe cylindrique et devait être rattrapée.

   - Bizarre, musa le Directeur, tandis qu’ils s’en éloignaient, bizarre de songer que même au temps de Notre Ford, la plupart des jeux se jouaient sans plus d’accessoires qu’une ou deux balles, avec quelques bâtons et peut-être un bout de filet. Rendez-vous compte de la sottise qu’il y a à permettre aux gens de jouer à des jeux compliqués qui ne font absolument rien pour accroitre la consommation. C’est de la folie. De nos jours, les Administrateurs ne donnent leur approbation à aucun jeu nouveau à moins qu’il ne puisse être démontré qu’il exige au moins autant d’accessoires que le plus compliqué des jeux existants. – Il s’interrompit. – Voilà un petit groupe charmant, dit-il  tendant le doigt.

 

Descriptif

Editions Le Livre de poche 346 année 1960, Bon Etat général, couverture souple, tranche et dos un peu passés et marqués, pages jaunies, tranches des pages un peu salies, Tranche incurvée, livre d’occasion broché format poche de 11,2x16,8 cm, 448 pages

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