Extrait
1/ Dans cette ambiance terrorisée, le Vieux avait reçu un message à la fois circonspect et précis rédigé par Greta Borg. Circonspect parce qu’elle ignorait en quelles mains il transiterait, et précis parce qu’elle se déclarait prête à livrer un renseignement de la plus haute importance.
Greta Borg n’était pas n’importe qui. Ecrivain de talent, elle avait connu la gloire littéraire avant de s’engager dans le combat pour ses idées. Adepte de l’ultragauche, elle avait lutté avec les terroristes de la Rote Armee Fraktion, des Brigate Rosse, de l’IRA et de divers groupuscules français, basques, corses. A la fois financée par ses droits d’auteur et les subsides de Tripoli et de Damas, elle avait été partie prenante dans de sanglants épisodes qui avaient marqué la dernière décennie. Par une chance incroyable, elle avait survécu. On pouvait presque la considérer comme une piraculée.
Un jour, cependant, elle avait été capturée après un triple assassinat, alors que ses trois complices étaient abattus. La cour d’assises spéciale n’avait témoigné d’aucune pitié à son égard : réclusion criminelle à perpétuité. Circonstance aggravante, son talent littéraire avait accru la sévérité des juges qui se seraient sans doute montrés plus cléments avec une inculpée moins célèbre.
Stoïque jusqu’au bout, Greta avait su résister aux sirènes policières qui tentaient de lui extorquer des renseignements sur ses affidés.
2/ Coplan stoppa le moteur. Avec méfiance, il inspecta la maison. Les mêmes questions le taraudaient. Stan Litvak était-il entouré de gardes du corps en grand nombre ? Désormais, les dés étaient jetés. Peut-être jouait-il sa vie ?
Nizia, déjà, sautait à terre, claquait la portière et s’éloignait vers le portail. Coplan en profita pour s’assurer que le Sig Sauer jouait librement dans son étui. Il sortit à son tour et contempla la maison.
Elle était vaste mais extérieurement, n’offrait rien de remarquable. Sa peinture ocre était écaillée et son toit était encore humide de la dernière pluie que le vent d’est avait charriée en provenance de la mer Caspienne. Ceinturée de lauriers roses, elle s’adossait à un verger peuplé de figuiers que prolongeait une oliveraie, séparée par un rideau de fils de fer barbelés d’un champ où un berger faisait paître ses moutons. Luxe rare dans ce coin d’Iran, un double escalier conduisait à un perron surplombé par une marquise. Au rez-de-chaussée et au premier étage, les persiennes métalliques dissimulaient les fenêtres. De construction récente, un large garage sur la gauche butait sur une rivière paresseuse qui se terminait dans le lac d’Ourmia.
Coplan chercha à discerner d’où pourrait venir le danger. Nizia sonnait au portail. Accoutumée aux aléas de la vie clandestine, elle se gardait bien de faire irruption dans les lieux sans s’annoncer.
Descriptif
Editions Fleuve Noir Espionnage Kenny 166 année 1991 ISBN 2265045179, Assez Bon état général, couverture souple, dos et tranche légèrement marqué et passés, pages jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 192 pages