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KOECHLIN Stéphane – John Lee Hooker

Réf: ba-l516
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Description

Extrait

1/   John Lee Hooker était une belle sculpture noire. Son corps avait été façonné par le vent chaud, sa peau, aussi rêche que le chemin le plus caillouteux du vieux Sud, et sa voix, semblaient venir des profondeurs de la terre. Il demeurait l’homme solitaire, né dans un paysage brûlé par le soleil, l’homme qui un jour aperçut son premier rayon de lumière à Vance, tout à côté de Clarksdale, cette région désertique où personne ne passe jamais. Il traverserait, presque en guenilles, les endroits reculés de ce Mississippi qui ressemble tant à l’Afrique. On y joue du tambour, on y chante des mélopées incantatoires tandis que l’eau du grand fleuve roule tranquillement sur le rivage mordoré et qu’une carriole abandonnée pourrit au bord du sentier. L’une des plus belles photos de John Lee est celle où il apparaît sur un trottoir de Detroit, en bras de chemise, avec sa guitare, totalement inconnu. Elle fut prise par un responsable de la sécurité sociale, musicologue passionné, journaliste à Jazz Hot, Jacques Demêtre. Ce français blanc, fasciné par le blues, écrivit un fameux reportage, « Voyage au Pays du Blues ». Il recueillit, pendant les années 1950, le dernier souffle des grands anciens du blues, ceux d’avant-guerre, les Big Maceo, Kokomo Arnold, tous retournés à l’usine ou enfermés dans des chambres misérables. Le soleil se couchait pour les pionniers mais l’aube se levait sur les nouveaux, la jeunesse, John Lee était de ceux-là. Fringant et magnifique. Tous les privilégiés qui l’approchèrent à cette époque gardèrent de ce musicien, alors très loin de la gloire, une image forte, dynamique. Illettré et brillant de mille feux, comme un diamant brut.

   Il vit probablement, le jour en 1917 ou en 1920, comme il le répéta souvent, ou une autre année, en tout cas à Clarksdale, le long de cette ligne dorée mississippienne, où flotte la note bleue. Clarksdale, petite ville isolée, étouffée par la chaleur, environnée d’herbe jaunâtre, a vu passer le siècle : combattants sudistes, hors-la-loi, planteurs arrogants et nègres relégués au purgatoire, condamnés à supporter le feu du ciel qui dessèche et pétrifie les corps. Seule la musique donne un peu de légèreté aux âmes noires.

 

2/   Malgré le succès de « Boogie Chillen », John Lee Hooker vécut des temps à peine moins difficile. Qu’y avait-il gagné, à part un paquet de billets ? Modern ne lui remettait pas l’argent dû et le gardait pour lui. Besman avait-il touché quelque chose ? Une grosse somme ? Non, il devait en finir avec ses soupçons.

   Le musicien continuait de jouer dans les clubs. Elmer Barbee conseilla à son protégé de s’adresser au fameux Joe von Battle, le patron de cette compagnie de fortune sur Hastings Street, ce boutiquier riche à crever qui roulait en Lincoln et traitait avec les frères Chess de Chicago. Hooker pouvait enregistrer chez lui, et il serait payé à sa juste valeur. En apprenant ce qu’il considérait comme une trahison, Besman ne décoléra pas. John était prêt à le lâcher pour n’importe quelle aventure stupide à condition qu’on lui donnât de l’argent. Bernie avait investi des moyens importants sur ce jeune artiste, payant toutes sortes de taxes, mais cet argent serait revenu tôt ou tard. Seulement, en cette année 1949, l’auteur de « Boogie Chillen  »entamait une période de grâce, incapable de résister à tous les labels qui le réclamaient, von Battle bien sûr, mais aussi King, Federal Staff, Acorn, Gotham… L’ancien ouvrier des usines de Detroit se rappela la pauvreté, les temps difficiles, et fit de l’argent, adoptant les noms les plus fantasques afin de contourner les contrats et les préférences : Texas Slim, Johnny Williams, Delta John, The Boogie Man… Il perçait à n’en pas douter, et on l’aimait. Et comment aurait-il pu résister ? Cette année-là, John ne grava pas moins de treize singles. Il écrivait vite, souvent sur le chemin du studio, à l’arrière du bus. Il prenait sa guitare, improvisait un morceau rapidement et l’enregistrait tout de suite, en deux ou trois prises, puis rentrait avant l’aube après avoir travaillé une ou deux heures.

 

Descriptif

Editions Librio 516 année 2001 ISBN 2290315907, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, pages jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché moyen format de 13,2x20,8 cm, 96 pages

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