Extrait
1/ D’un bout à l’autre de l’île, sitôt connue la tragique nouvelle, les commentaires allèrent leur train. Les tenants de la pêche sous-marine croyaient à un accident banal, dû à un malaise ou à une fausse manœuvre. Ceux qui se contentaient de se mouiller les pieds en taquinant la crevette, vouaient à l’exécration publique ces appareils compliqués, tout juste bons à épater la galerie, à détruire la faune des mers et à plonger dans le deuil une famille estimable.
Quant aux clients de l’hôtel du Grand Vent, ils étaient consternés, Aleen et Barbara Hawker, eurent droit aux manifestations de leur encombrante sympathie. Robert Rameux vint présenter ses condoléances aux deux femmes. Visiblement, le drame l’avait profondément affecté.
Il n’était pas descendu à l’hôtel, logeait au Palais, le chef-lieu de Belle-Île, où il avait loué une chambre.
C’était un garçon brun, âgé d’une trentaine d’années, aux yeux noirs et doux. Il s’exprimait d’une voix lente, au timbre velouté, savait ne jamais s’imposer. Sa courtoisie plaisait autant à Aleen qu’à sa fille. Il leur fut d’un grand secours moral.
2/ Parvenu à Clairmont Park, James Staub distribua les rôles après s’être fait expliquer la situation. Chacun avait une opinion, mais tous les bras tendus désignaient le ravin qui n’était d’ailleurs qu’une petite vallée peu profonde avec, à certains endroits, une vue dégagée.
- Ne vous occupez pas de moi, dit Staub. Contentez-vous de fouiller les buissons des versants. Le môme n’a pas dû lancer cette balle très loin… Au fait, qu’est devenu le coupable ?
Un grand rouquin chevelu, propriétaire de la voiture, ricana.
- Je lui ai botté les fesses, répondit-il. Alors, il s’est débiné. Les autres ne l’avaient pas attendu.
- Bon. Allons-y. Ne vous flanquez pas les mains dans les orties vénéneuses. Prenez vos bottes et les bâtons. Que ceux qui ont des gants de base-ball les enfilent.
Les garçons reprirent les recherches.
Selon les renseignements fournis, Staub avait calculé un azimut. Il descendit au fond du ravin, écarta les rameaux épineux de son gourdin. Il progressait à petits pas, tua une vipère lovée sur une pierre plate.
Bientôt, il s’aperçut que la besogne n’était pas facile. Au fur et à mesure qu’il avançait, la végétation devenait de plus en plus dense. Sachant à quel point son fils tenait à cette célèbre balle, il s’obstina.
En sueur, il atteignait une sorte de clairière.
A droite et à gauche, loin derrière lui, Pieter et ses amis s’appelaient, invisibles, perdus au milieu des arbres, excités et énervés.
Staub s’immobilisa.
La balle était devant lui, toute blanche parmi l’herbe verte.
-Enfin, te voilà !
Staub se baissa et, à cet instant, une chose dure le frappa à la nuque, juste au niveau du cervelet.
3/ Résumé
De par le monde, lorsque la saison et les lois sont propices, beaucoup d’hommes et de femmes tirent le perdreau, le lièvre, le sanglier et tous autres animaux de poil et de plume, dignes de figurer sur la table de la salle à manger, entre amis.
Mais la chasse aux cosmonautes échappe aux performances habituelles de la cynégétique. Affronter les mystères de l’espace, c’est assurément de l’héroïsme, mais certains ont le droit de penser que ce courage mal employé risque, tôt ou tard, de détruire l’humanité.
Toujours remarquablement renseigné, Serge Laforest montre, en ce roman palpitant et d’une rigueur formelle, tempéré de gags et d’amour, saturé de violences calculées, jamais gratuites, qu’il n’est pas besoin de fusées, ni de mathématiques transcendantes pour accorder à la méchanceté plus de pitié que de haine…
Encore que cette généreuse réflexion mérite qu’on s’y attache et qu’on prenne la peine d’y réfléchir tout en se délassant l’esprit des contraintes ordinaires de l’existence.
Descriptif
Editions Fleuve Noir Espionnage 687 année 1969, Assez Bon état général, couverture souple, dos et tranche un peu marqué et passés, pages jaunies, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 256 pages
