France Loisirs

LAURIE Hugh – Tout est sous contrôle

Réf: pt-flhltesc
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Description

Extrait 1

   A la vérité, je m’apitoyais sur mon sort.

   J’ai l’habitude d’être fauché et le chômage est plus qu’une vague connaissance. Des femmes que j’aimais m’ont quitté et j’ai eu mon lot de rages de dents. Mais tout cela n’est rien, comparé au sentiment profond que le monde entier est contre vous.

   J’ai fait mentalement le tour des amis susceptibles de m’apporter leur aide mais, comme chaque fois que je procède à un audit relationnel, je me suis rendu compte que la plupart étaient à l’étranger, ou morts, ou mariés à des filles qui ne m’aimaient pas ou, maintenant que j’y pensais, n’étaient pas réellement des amis.

   Voilà pourquoi je me retrouvais dans une cabine de Piccadilly à demander Paulie au téléphone.

   - Il est à l’audience, en ce moment, m’a dit l’employée. Puis-je prendre un message ?

   - Dites-lui que c’est Thomas Lang et que, s’il n’est pas là à une heure pile chez Simpson, sur le Strand, pour me payer à déjeuner, c’est la fin de sa carrière d’avocat.

   - La fin… de… sa carrière d’avocat, a répété la voix. Je lui donne le message dès qu’il appelle, monsieur Lang. Bonne journée.

   Paulie, nom entier Paul Lee, et moi entretenons des relations un peu bizarres.

   En ce que nous nous voyons tous les deux mois, toujours pour sortir – pubs, dîner, théâtre, opéra, et Paulie adore ça -, pourtant nous admettons n’avoir aucune affection l’un pour l’autre. Pas une miette. Nous haïrions-nous, vous penseriez que nous sommes tordus. Mais non. On ne s’aime pas et c’est tout.

   Je le prends pour un poseur, pédant, ambitieux et cupide, et lui me considère comme un plouc, flemmard et indigne de confiance. Le seul aspect positif qu’on puisse trouver à notre « amitié » est qu’elle est réciproque. On passe une heure ensemble et on se quitte avec l’impression commune que « franchement, si on n’avait pas mis ce type sur mon chemin… » Le sentiment de supériorité qu’il éprouve en m’invitant à déjeuners vaut exactement les quarante livres de rosbif et de vin rouge qu’il m’offre.

   J’ai dû emprunter une cravate au maître d’hôtel, lequel m’a puni en me donnant le choix entre une violette et une autre violette. Et à une heure moins le quart, assis à une table de Simpson, je diluai mes déconvenues de la matinée dans une grande vodka-tonic. Beaucoup d’autres clients étaient américains, c’est pourquoi le rôti de bœuf partait plus vite que l’épaule d’agneau. Les Ricains ne se sont jamais habitués à manger de l’ovin. Ils doivent croire que ça fait pédé.

 

Extrait 2

   Rien que pour le plaisir, j’ai fait une virée le long de Victoria Embankment. Histoire de me décrasser les pistons et ceux de la Kawa.

   Je n’avais pas dit aux Woolf qu’un Américain mal embouché avait téléphoné chez moi. « Troisième cycle » pouvait signifier n’importe quoi – même troisième cycle – et le type être n’importe qui. Je ne voyais pas l’intérêt de rapporter à mes conspirationnistes – car, bisou mouillé ou pas, les Woolf versaient dans ce genre-là – des coïncidences qui les auraient mis dans tous leurs états.

   Nous avions quitté le restaurant sous les aimables auspices d’une trêve. Sur le trottoir, Woolf m’avait pincé le bras en m’expliquant que la nuit portait conseil, ce qui m’avait fait tressaillir, un peu honteux, car à cet instant-là je regardais les fesses de Sarah. Comprenant le sens de sa remarque, j’avais en effet promis de réfléchir et lui avais poliment demandé où le joindre, si besoin. Avec un clin d’œil, il avait répondu qu’il saurait me retrouver, ce à quoi je ne tenais pas tant.

   J’avais bien sûr d’excellents raisons de rester dans ses bonnes grâces. C’était peut-être un jobard, un excité de première, et sa fille une charmante folledingue, mais je n’aurais pas nié qu’ils avaient tous les deux un certain charme.

   Je veux dire qu’ils avaient déposé une quantité non négligeable de leurs charmes sur mon compte bancaire.

   Ne vous méprenez pas sur votre serviteur. D’une façon générale, je me soucie assez peu d’argent. Certes, je ne suis pas de ceux qui travaillent pour rien. Mes services sont payant et je me fâche quand je me fais avoir. Mais je peux affirmer honnêtement n’avoir jamais trop couru après le fric. Jamais accepté un job qui ne m’amuse pas, ne serait-ce qu’un peu, sous prétexte d’en gagner plus. Quelqu’un comme Paulie, pur exemple – il me l’a lui-même confié bien des fois – passe le plus clair de son temps à cibler des portefeuilles pleins. Il est capable d’accomplir des choses déplaisantes, voire immorales, à condition qu’un beau chèque bien dodu l’attende au bout. Ça ne le dérange pas. Signez, signez, dit-il.

   Et moi, je ne suis pas comme ça. Je ne sors pas du même moule. Le seul avantage que j’aie jamais trouvé à cette humaine invention, le seul aspect positif de ce vulgaire artifice, est qu’on peut s’en servir pour acheter des choses.

 

Descriptif

Editions France Loisirs année 2009 ISBN 9782298025897, assez bon état général, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, tranches des pages salies, intérieur assez frais, livre d’occasion broché grand format de 13x20 cm, 436 pages   

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