Le livre de poche

LENTERIC Bernard - Voyance

Réf: pt-ldp7565
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Description

Extrait 1

   Samuel rigolait dans son coin. Il n’avait jamais vu ça. Un court instant il s’était imaginé s’accouplant à cette jeune et solide beauté, mais devant les multiples appétits dont elle avait fait preuve le temps d’un voyage d’ascenseur, il conclut sagement qu’il ne pourrait pas assurer. Peut-être même m’aurait-ele mangé à la fin de l’accouplement sans y prendre garde…

   La porte s’ouvrit et, suivie de Samuel, la jeune obèse se dirigea droit vers la porte de Josepha où était posée depuis peu une plaque de cuivre. On lisait en anglaises élégantes : Josepha Meisner.

   Elle renifla un bon coup, se recoiffa, se poudra, mit sans façon son cornet géant de pop-corn encore à moitié plein par terre près de la porte, ayant l’air de lui dire : « Sois bien sage. Je reviens tout de suite. »

   Puis elle sonna. La porte s’ouvrit, elle entra et clac, Samuel ses retrouva nez à nez avec la plaque de cuivre.

   Le graveur avait bien fait les choses. Il y a longtemps que les gens n’écrivaient plus avec des pleins et des déliés.

   Samuel ressentait à présent une véritable émotion. Les dernières informations qu’il possédait sur Josepha étaient anciennes.

   Bébé banal, elle avait pissé au lit jusqu’à l’âge de douze ans mais elle n’était pas la seule.

   Fille aimante, respectueuse, toujours de bonne humeur, puis boutonneuse, complexée, se tenant voûtée pour cacher sa poitrine naissante pourtant ravissante.

   Rudement bien foutue tout de même ! Une très belle peau. En devenant, vers la vingtaine, un véritable bonnet de nuit, ennuyeuse au possible.

   « Mais je ne suis pas juste, pensa Samuel. Cela fait dix ans que je traîne dans le royaume des ombres où j’ai rencontré des dizaines de types tout à fait remarquables, la crème de l’univers. Bien sûr mon échelle de valeurs en est bouleversée. J’ai croisé l’autre soir Katherine Mansfield devant la Russian Tea Room et on a bavardé un peu, un ou deux jours je crois. Déjà de son vivant Katherine Mansfield avait beaucoup de talent, elle aurait même écrit un chef-d’œuvre à vingt ans, alors que ma Josepha, à cet âge, avait des problèmes pour réussir une escalope panée. Bien sûr les dés sont pipés. Nous c’est la formation permanente, un vivier inépuisable. Après avoir appris la lévitation automatique et avoir développé ma sensibilité de prospection (certains morts perdent jusqu’au souvenir même de leur identité, surtout quand de leur vivant c’était pas terrible), j’ai rendu deux ou trois visites à Josepha.    

 

Extrait 2

   Ainsi Josepha se retrouva chez elle, porte fermée à double tour, stores et rideaux baissés, avec un teenager qui l’avait menacée quelques minutes auparavant.

   Il s’était laissé emmener sans résistance de Central Park à la chambre. Elle le tenait pas la taille, fort, et il s’accrochait à son cou. Un couple parmi d’autres. Le concierge ne les avait pas vus passer. Ils n’avaient rencontré personne.

   Maintenant il était assis sur le fauteuil des visiteurs, les coudes sur les genoux, la tête basse, ou plutôt qui tombait.

   Il semblait dans un état d’extrême épuisement. Il tenta de se lever pour retirer sa canadienne, mais ses jambes se dérobèrent sous lui et, lentement, presque sans bruit, il s’affaissa.

   Elle entreprit de le déshabiller, sans aucun mal tant il était léger. Elle lui laissa son caleçon et le porta sur le lit. Elle éteignit toutes les lampes à l’exception de sa lampe de chevet.

   Dans la faible lumière, sur le sombre dessin indien du dessus-de-lit se découpait le corps blanc et maigre du jeune homme. Il avait les yeux clos. Quelques gouttes de sueur perlaient à son front. Il se tenait l’estomac à deux mains et se mordait la lèvre inférieure.

   Josepha s’agenouilla près du lit. Elle vit les taches bleuâtres causées par les piqures à la saignée du bras, puis à l’intérieur des cuisses et le cou-de-pied. « Mon Dieu, que faire ? Appeler John, bien sûr ! »

   Elle se ravisa. Elle était une grande fille maintenant. Et la pitié que lui inspirait le jeune drogué ne devait pas l’amener à un état d’irrésolution, mais au contraire, la rendre forte et la pousser à agir positivement.

   - Comment t’appelles-tu ?

      D’abord il ne répondit pas. Il comprimait toujours son ventre de ses mains et semblait souffrir. Il fit pourtant l’effort d’ouvrir les yeux, de la regarder et de répondre :

   - Harry…

   - Moi, c’est Josepha. Tu as mal au ventre ?

   - Je n’ai pas eu mon « fix » depuis hier.

   - Je n’ai rien ici qui ressemble à de l’héroïne. Je vais te donner des calmants et te faire un bon bouillon.

   Il réussit à sourire puis grimaça.

   - Tu es de l’Armée du Salut ou un truc comme ça ?

   - Un truc comme ça. Une espèce de bonne sœur.

   Josepha savait qu’il était difficile de désintoxiquer un très jeune homme qui en était arrivé aux piqûres. Il aurait fallu qu’il en eût envie ou qu’un événement important, un choc, une surprise, un bonheur le poussât à vouloir changer le cours quasi irréversible de sa dégradation.

 

Descriptif

Editions Le Livre de Poche 7565 année 1995 ISBN 2253055761, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, intérieur moyennement jauni, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 254 pages

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