Grasset

MARIS Bernard – Et si on aimait la France

Réf: ess-gbmsaf
3,50 € TTC
 En stock
Ajouter au panier
Description

Extrait

1/   Je crois que tout est parti de là. Quand Michel Houellebecq a déclaré, un matin sur France Inter : » On ne doit rien à son pays. » Puis il a répété, après un silence : « Non. On ne doit rien à son pays. » C’est vrai que je tournais un peu autour du pot, avec mon livre sur Genevoix et Jünger, où je m’interrogeais sur l’incroyable succès de l’Allemand dans un pays qui ignore, comme souvent, le Français, bien supérieur à mon sens. Mais le déclic fut cette phrase.

   Je n’en ai pas très bien compris le sens. Je ne suis pas sûr de vraiment le comprendre encore. En plus, Michel Houellebecq doit beaucoup à son pays, et certainement celui-ci lui doit plus ; en termes de solde commercial, il fait plus pour la France que nos marchands de voitures et en termes de prestige mille fois plus. Non seulement ils ont une dette réciproque, mais, si l’on écarte un peu sa timidité, ce pays le passionne. Sa dernière exposition de photos s’intitule « Le produit France/1 : Before Landing ». Elle est intrigante, assez floue, poétique ; des lieux de non-vie ou de transition (aires d’autoroute, parkings de supermarchés, friches au-delà de voies ferrées) voisinent avec des collages où le pire de la modernité se marie avec des coupoles éternelles et dorées. La France est avant tout un espace, avant d’être une histoire, des symboles, des dates. Elle est une géographie, pour paraphraser Michelet « L’histoire est d’abord toute géographie ». L’avant-dernier roman de Michel Houellebecq, La Carte et le territoire, évoque l’espace France, sans nostalgie mais sans froideur non plus, dans cette nécessité houellebecquienne qu’est l’entropie.

 

2/   Pour le bac de français 2014, des élèves eurent à commenter un poème de Hugo. Circulèrent des tweets du genre : « Victor Hugo, enfoiré avec ton brun (sic) d’herbe, au lieu de le donner comme sujet tu aurais pu le fumer. » Sommée par un journaliste de s’expliquer sur un tel décalage entre ces élèves (dans le vrai, le réel) et l’Education (lointaine e inutile), Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, osa répondre en citant le poète : « Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs… » J’irais par la forêt, j’irais par la montagne/ je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. » Fille d’immigrés italiens, agrégée de lettres, écrivain, elle est aussi un produit de la méritocratie républicaine.

   Victor Hugo, avec ses contradictions (républicain, bonapartiste, royaliste, anarchiste…), est le France. Son cortège funéraire fut suivi par deux millions de personnes, dont une bonne moitié de femmes éplorées (Elles ont « le con en deuil », persiflaient les Goncourt). Il est la France, avec son insupportable vanité (« La France est la lumière dans la nuit », « Il n’existe qu’une littérature française »), son mauvais goût (Dieu sait si les parnassiens ont ricané de ses poésies démesurées !) et quelque chose de grand et peut-être de génial.

 

3/   Résumé

   « Ainsi vous écrivez une livre sur la France ? – Oui.

   - Ah… et sous quel angle ? Le déclin ? L’avenir ? L’universalité ? Le messianisme ? La cuisine ? Les filles ? »

   C’est vrai, il faut un angle… Alors disons que je me pose moi aussi des questions de dettes et de créances. Une manière de dresser un bilan, actif, passif, mais surtout de redonner au mot dette tout son sens, celui de faute, de culpabilité. Un livre pour dire : non. Français, vous n’êtes pas coupables, vous ne devez rien : le chômage, la catastrophe urbaine, le déclin de la langue, ce n’est pas vous ; le racisme, ce n’est pas vous, contrairement à ce qu’on veut vous faire croire. Vous n’êtes pas coupable. Retrouvez ce sourire qui fit envie des voyageurs pendant des siècles, au « pays où Dieu est heureux. »

   Revenant de Rome, ville où je pourrais définitivement vivre, je me sens plein d’optimisme pour la France et songe qu’un petit rien pourrait redonner à ce Paris si triste, si bruyant et qui fut autrefois si gai, son sourire.

   Bernard Maris

 

   Bernard Maris, écrivain, économiste, chroniqueur sur France Inter et pour Charlie Hebdo. On lui doit de nombreux ouvrages, parmi lesquels L’Homme dans la guerre et Houellebecq économiste.

   Il nous a envoyé son texte le 2 janvier et a été assassiné le 7 janvier 2015 lors de la conférence de rédaction de Charlie Hebdo.

  

Descriptif

Editions Grasset année 2015 ISBN 9782246852193, Bon Etat général, couverture souple, tranche et dos légèrement passés et marqués, intérieur frais, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché grand format de 13,2x20,8 cm, 144 pages

Produits pouvant vous intéresser