Le livre de poche

MONTHERLANT Henry de – Les jeunes filles

Réf: rf-ldp43
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Description

Extraits

1/   Vous m’avez répondu ! Vous m’avez écrit que vous vouliez bien lire une lettre de moi toutes les trois semaines ! J’ai lu cela et j’ai baisé ces mots. Ne me faites pas languir. Si vous voyiez ma pâleur ! Vitre, écrivez-moi encore des mots que je puisse baiser.

   J’ai pressé votre lettre sur mon sein, sur mes médailles, jusqu’à ce qu’elles me meurtrissent, et plus elles me faisaient du mal, plus cela me faisait du bien. Que tout ce qui me fait du mal me fait du bien ! Je rêve que vous entrez dans ma chambre, mais si vous entriez je me mettrais peut-être à pleurer.

   Si je le pouvais, je quitterais avec joie le « foyer d’infection ». Mais où aller ? Il faudrait, comme Abraham, aller devant soi, sans savoir où, dans la Palatine, qui s’était fait peindre des figures de saints sur les fesses, pour n’être plus fouetté.

   Vous me dites que vous ne « méritez » pas d’entrer en religion. Dites « Je ne suis pas destinée » ou « Je n’ai pas été triée ». Cela est fort possible. Mais ne parlez pas de mérite. De même que l’amour de l’être pour l’être n’a pas besoin d’être mérité, de même la grâce de Dieu fait à une personne, de la consacrée à lui, il la lui fait par préférence à une infinité de personnes méritantes, sans qu’elle l’ait méritée. J’ajoute même que, si j’étais Dieu, ce que j’aimerais dans un être, ce serait ma grâce, en ce qu’elle est privilège. Cela dit vous avez raison d ne pas vous croire. C’est souvent une grande marque qu’une œuvre ne se fait pas pour Dieu, et par son esprit, que de tenir trop fermement qu’il approuve, comme c’est souvent la marque qu’une œuvre humaine est vicieuse, que d’être trop assuré qu’elle sera applaudie.

 

2/   Andrée, le jour même de son arrivée à Paris, alla au concert. Combien, jadis, ces heures de musique avaient compté dans cette vie sans amour ! Elles lui tenaient lieu de toutes les ivresses. Des milliers d’amants la saisissaient dans leurs bras. Quelle retombée, ensuite de ce septième ciel dans la rue de Paris. Alors elle sentait bien qu’elle ne pourrait jamais épouser un médiocre. Cette fois, elle s’ennuya au concert : atonie et indifférence. Cette musique qu’autrefois elle avait aimée avec désespoir, faute de pouvoir aimer autre chose, maintenant lui paraissait si fade, en regard de la présence prochaine de Costal ! Costal la dégoûtait de tout, démolissait tout autour d’elle, tout ce à quoi elle s’appuyait, faisait le vide comme s’il voulait qu’elle n’aimât plus que lui. Ce n’était plus Beethoven, c’était lui, sa « musique de perdition ». Cette Symphonie pastorale, avec ses imitations du cri des oiseaux, elle trouva cela puéril. Les sons lui arrivaient à travers une épaisseur de distraction et d’ennui. En vérité elle n’écoutait pas, elle ne pouvait pas écouter. La moindre musiquette aurait bercé aussi bien sa rêverie.

 

Descriptif

Editions Le Livre de poche 43 année 1967, Assez Bon Etat général, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et moyennement passés, pages jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x16,7 cm, 256 pages

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