Marabout

SADYN Jean – La nuit des mutants

Réf: fh-mf347
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Description

Extraits

1/   Ma chambre était à l’image de la maison. Vétuste, tapissée d’un papier moisi, garnie d’une grossière table de chevet et d’un vieux lit de chêne haut perché. Je m’enfouis sous l’édredon rouge et frissonnait longuement sous les draps humides.

   De sombres nuages couraient maintenant sous le ciel noir et profond où filtraient à peine quelques rayons de lune. Après le calme insolite, un vent sauvage s’était brusquement levé. Il sifflait par rafales, s’engouffrait en vibrant dans la vieille cheminée, ébranlait longuement la cruche dans sa cuvette de faïence.

   Ces regards entre Nicole et moi, Morin les avait-il surpris ? Se doutait-il que nous étions de connivence ou la seule fatigue expliquait-elle sa lassitude soudaine et le vide de ses yeux éteints ? Et que signifiait, chez Nicole, cette flambée de volonté mauvaise et de menaces ?

   Morin ! Le temps recule de douze années, me rend à nos premières rencontres. Mervil, Morin… l’alphabet réunissait nos deux noms. Il nous fit voisins de travaux pratiques, nous plaça l’un près de l’autre à chaque examen. L’habitude crée vite des liens et comme il ne pouvait rien y avoir de commun entre lui et moi, rien qui nous rapprochât que cette particularité de nos patronymes, j’acceptai avec négligence l’amitié de ce garçon taciturne mais complaisant.

   Minable et fier, orgueilleux de sa condition d’étudiant famélique, il restait étrangement épris de valeurs spirituelles. Profondément attaché à ses Flandres natales, il promenait dans Paris un exil laborieux et indifférent, comme si une vérité puissante et inaccessible à nos tempéraments frivoles l’attendait là-bas, au creux de ses terres grasses et de ses lents canaux.

   Sceptique et dédaigneux, et pourtant le seul d’entre nous peut-être à croire à la médecine, il incarnait l’un des derniers rejetons d’une race heureusement en voie de disparition. Je veux parler de ces obscurs fanatiques insensibles et obstinés qui empruntent avec acharnement les chemins les plus arides et s’enivrent d’humiliations et de rebuffades. Pseudo-martyrs assoiffés de calvaires, plus redoutables sans doute que de fieffé coquins !

   Attentif aux seules tâches du jour, Morin allait, sans un sourire pour l’avenir, ne recueillant partout que sarcasmes et mépris pour son labeur forcené, ignorant tout de la flagornerie et se passant hardiment de bienveillance.

 

2/   Tandis que Morin errait dans les couloirs administratifs, Nicole restée bien à contrecœur dans les Flandres faute d’argent rongeait son frein.

   Les bêtes gavées de nourriture pour la journée semblaient assoupies. A peine de temps à autre un léger remuement, une plainte isolée perdue dans la campagne déserte et glacée, quelques légers appels auxquels répondait parfois le cri d’un oiseau effarouché qui protestait avant de s’enfuir à tire d’aile. Ce calme insolite finit par inquiéter Nicole. Son imagination n’avait-elle pas démesurément exagéré les découvertes de Morin ? Oui, plus l’heure s’avançait, plus il lui semblait s’éveiller d’un cauchemar fortement grossi par sa peur. Ces animaux, après tout, ne devaient pas être si curieux… Ses craintes, maintenant, étaient contraires aux précédentes. Elle oubliait ses terreurs passées et reprochait à Morin de n’avoir pas été capable d’enfanter de véritables monstres…

   Pour se convaincre du bien-fondé de ses espérances, elle finit, après maintes hésitations à se résoudre à descendre dans les sous-sols. Sitôt la porte entrouverte, elle hésita devant les grattements sourds de paille remuée et l’odeur nauséabonde de peluche moisie et de fumier. Un moment, devant son angoisse renaissante elle songea à refermer et à barricader solidement la bouche qui lui soufflait au visage cette haleine chaude, vivante, pestilentielle. Elle se raidit et, la torche électrique à bout de bras, commença lentement sa descente vers la caverne puante.

   Son faisceau de lumière cerna d’abord un étrange oiseau de nuit, une sorte de grand-duc aux yeux jaunes et au corps mou comme celui d’un papillon nocturne, qui battit des ailes affolées et se jeta éperdument contre les frêles barreaux de sa prison. De la main, elle voila la lampe. Calmé, l’animal la salua d’un long hululement coupé d’éclats de rire qui la fit frémir de la tête aux pieds et la jeta instinctivement en avant. D’incroyables yeux jaillirent de partout dans la pénombre, des yeux lumineux, des yeux de flamme, qui guettaient en silence. Et ce monde des ténèbres remua, tourna dans ses caisses, gratta, s’étira, s’agita. Tressauta. Nicole avançait toujours, la main sur la poitrine pour réprimer les battements fous de son cœur, partagée entre une peur grandissante et sourde et l’obscur désir de tout voir, de bien se persuader que les abominables créatures de Morin constituaient réellement un monde fantastique nouveau capable de retenir l’intérêt officiel. Cette curiosité folle la conduisait d’hallucination en hallucination. Elle s’aperçut alors avec effroi qu’elle jouissait de sa peur. Au dégoût et à la nausée se mêlait l’attrait morbide de l’horreur.

 

Descriptif

Editions Bibliothèque Marabout Série Fantastique 347 année 1970, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués et passés, intérieur passé, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,7x18,2 cm, 192 pages

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