Un roman du cycle « Chroniques de l’Ere du Verseau »

Extrait

1/   Quand le village se montra, au-dessus des dernières brumes qui s’effilochaient et fondaient au soleil, la vieille Ourga s’immobilisa. Elle resta un instant appuyée à son bâton. Derrière, les deux chevaux grattaient du sabot. Là-bas, le gamin franchissait le pont, à toutes jambes, et grimpait vers les ruelles étroites.

   - C’est là ! dit soudain Ourga.

   - Quoi ? fit O’Dol. Que dit-elle ?

   - Elle dit que c’est là, fit Blinska.

   - Par la Matriarche Fondatrice ! dit la grosse « Noire », tu veux dire que c’est dans ce village que se trouve la Réincarnation ?

   - Je n’en sais rien ! dit Blinska avec humeur. Je te répète ce qu’elle vient de dire !

   Le visage illuminé, la vieille femme regardait, de ses petits yeux pâles. Elle hocha la tête, plusieurs fois, et marmonna des paroles incompréhensibles, entre ses dents. Puis, soudain, elle se mit en marche. On aurait dit qu’elle volait. Elle effleurait à peine terre, de ses petits pieds secs. Elle sautait par-dessus les flaques, avec une légèreté de vielle chèvre. Derrière elle, les deux jeunes femmes avaient dû mettre leurs montures au trot pour la suivre.

   - Regarde-la ! souffla O’Dol, on dirait qu’elle a mangé de la viande rouge, ma parole !

   Sans paraître le moins du monde essoufflée, la Vénérable Mère franchit le pont rustique sous lequel grondait le torrent, et se mit à grimper les ruelles en pente. Déjà des villageoises accouraient et saluaient les nouvelles venues, profondément. Des gamines à demi nues, accrochées à leurs jupes, et le nez morveux, contemplaient, les yeux ronds, les deux superbes guerrières et la vieille Matriarche qui pénétraient dans le village.

2/   ça puait le cadavre. C’était une odeur douceâtre et tenace qui semblait suinter des parois et remonter du fond de ce couloir. Des rails rouillés couraient sur le sol.

   Un des hommes alluma une torche. Le boyau paraissait interminable. D’autres s’enfonçaient dans la masse souterraine du Blockhaus. De temps en temps, des portes de métal rouillé s’entrouvraient sur des escaliers de béton qui s’enfonçaient dans ces ténèbres. Ils grimpèrent un de ces escaliers où on pouvait à peine se croiser. Tout était silencieux dans cette colossale caverne de béton. Blinska ignorait qu’il y eût de ces espèces de forteresses, dans cette région perdue. Elles devaient être abandonnées depuis des siècles. Au temps de la Grande Désolation, des régiments avaient dû y séjourner. La jeune « Noire » tentait d’imaginer ce qu’avait dû être la vie des guerriers de ce temps dans ces fortifications.

   L’escalier n’en finissait pas de monter. Puis, d’un seul coup, il déboucha dans une salle voûtée, au sol recouvert d’un grillage verdâtre. La lumière y tombait d’une sorte de dôme formé de lames d’un métal brillant, à peine attaqué par les mousses et la rouille. C’était comme des plaques mobiles articulées en forme de diaphragme. Sous ce dôme, Blinska aperçut trois longs cylindres reposant sur trois grosses tuyères. Elle les reconnut tout de suite. Elle en avait maintes fois vu des reproductions et des images – et il en existait encore quelques modèles dans les musées de la SEGOR. Il s’agissait de missiles, de ces fusées qui avaient anéanti l’Ancienne Civilisation, et vitrifié où réduit en poussière, les cités du Monde ancien.

Descriptif

Editions Fleuve Noir Anticipation 1049 année 1981 ISBN 2265015512, état général moyen, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, pages un peu jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,3x17,8 cm, 224 pages