Fleuve Noir

SAN ANTONIO – Des gueules d’enterrement

Réf: pt-fnp117
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Description

Extrait

1/   J’écarquille les carreaux. Il a dit vrai, Favier… Le quidam dont la bouille a résisté au jour ne devait plus penser à grand-chose lorsqu’on lui a tiré le portrait. Il est pris de face, mais on aperçoit nettement à sa tempe gauche un trou gros comme la capsule d’une bouteille d’eau minérale. L’orifice est auréolé de noir. J’examine le personnage en détail. Je connais bien ce genre de photo. A la grande taule, on en fabrique d’identiques lorsqu’on a dégauchi un macchab dont on ignore l’identité. On fait un brin de toilette au monsieur, on lui nettoie la vitrine, on y colle du rouge baiser aux labiales, du noir au-dessus des lampions, on ouvre ceux-ci pour que le zouave paraisse vivant, on rajuste son nœud de cravetouze et roulez les rotatives.

   Je me perds dans la contemplation de l’étrange personnage jailli du néant. C’est un bonhomme maigre, d’une soixantaine d’année, au visage anguleux, aux joues creuses, au front bombé.

   Il a le cheveu plat, une raie très basse à la démocrate-chrétien et les étiquettes un peu décollées.

   Le monsieur en question semble sévère, mais ça doit venir de son regard mort. Ses yeux très clairs sont intégralement vides, et pour cause. Ses lèvres minces sont rentrées, donnant à la bouche ce quelque chose d’effrayé et de féroce qui marque le grand passage.

   Favier se caresse le menton, ce qui chez cet être grave, est un signe de jubilation.

   - Que pensez-vous de ça ? me demande-t-il.

   Pour l’instant, j’avoue que ça se bouscule un peu sous ma coiffe.

 

2/   - tu crois qu’elle nous a vidé son sac ? demande Béru.

   - Ça ne fait pas de doute, lui dis-je. Elle a ratissé la valise dans les conditions décrites par elle. Elle l’a rapidement inventoriée, puis elle est allée fourguer le blaud au zigoto des Puces. Elle doit en secouer tellement qu’elle ne se rappelle plus très bien ce que contenait ce bagage… C’est au vieux mironton qu’on va demander un supplément d’information. J’ai idée que cet honnête receleur en sait plus long qu’il n’en a dit…

   Peu contrariant, Bérurier hoche la tête.

   - Qu’est-ce que je pourrais lui mettre autour de la queue ? demande-t-il.

   Je sursaute.

   - Hein ?

   Il brandit son écureuil.

   - Mords la came, San-A. il a la couette qui se barre, le pauvre chéri…

   Je ricane.

   - Ce que tu es bonnard pour les animaux. Même empaillés faut que tu les dorlotes…

   - J’ai toujours eu un faible pour les écureuils, avoue-t-il. Quand j’étais mouflet, à la cambrousse, on en attrapait et on les mettait dans une cage ronde… Ils tournaient pendant des jours… après on les bouffait. Tu peux pas savoir ce que la chair est délicate…

   - Je reconnais là ta profonde sensibilité, Béru. Tu as une âme d’artiste, faut te secouer…

   Béru est ému. Il essuie une humidité imaginaire dans ses yeux.

   - Que veux-tu, murmure-t-il, on ne se refait pas !

 

Descriptif

Editions Fleuve Noir Police 117 de 1956, Etat général Moyen, La page de garde se décolle, couverture souple, tranche et dos passés et un peu marqués, pages jaunies, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,7 cm, 240 pages

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