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SEPULVEDA Luis – La lampe d’Aladino

Réf: re-pp2358
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Description

Titre original « La lampara de Aladino y otros cuentos para vencer al olvido » Luis SEPULVEDA, 2008.

Traduit du chilien par Bertille HAUSBERG

Extraits

1/   La reconstruction de la cathédrale

   Ce voyage ne commença à avoir un sens qu’à la vue des restes entassés près de la Cathédrale ou, pour être plus précis, de ce qui subsistait de la Cathédrale, hier encore une masure grandiose aux mus de cannes et au toit de tôle ondulée sur laquelle régnait Eladio Galan. Un jour perdu dans les brumes de la mémoire, le Colombien avait amarré son canot au quai d’El Idilio, était descendu à terre avec cette allure de plantigrade qui confirmait sa condition d’homme aux pieds plats et, brandissant les deux précieux objets qu’il transportait – un accordéon et une bonbonne de rhum – avait crié d’une voix de stentor : messieurs, les réjouissances sont arrivées ! Néanmoins cette magnifique affirmation n’avait pas tiré de leur torpeur les quelques villageois qui, à cette heure caniculaire, ne désiraient pas d’autre agitation que le doux balancement de leurs hamacs.

   - Eh bien, mon vieux, nous y revoilà, murmura le docteur Rubicundo Loachamin, le dentiste qui, dans son passé trop proche et donc à l’abri de la corrosion de l’oubli, parcourait les hameaux de l’Amazonie qui croissaient et décroissaient sur les berges des fleuves Zamora, Yacuambi et Nangaritza pour calmer les cauchemars dentaires à grand renfort de sermons anarchistes et réparer les sourires grâce aux prothèses qu’il exhibait sur un petit tapis digne d’un cardinal.

   Son interlocuteur, Antonio José Bolivar Proano, un homme d’âge indéfinissable qui préférait qu’on l’appelle le Vieux pour ne pas avoir à entendre toute cette litanie d’éminents personnages, mit la main dans la poche de son pantalon avant de parler et en sortit un dentier enveloppé dans un mouchoir, le plaça dans sa bouche, fit claquer sa langue, cracha et regarda le panorama désolé qui s’étendait sous ses yeux :

   - Cette bande d’enfoirés a rasé le village.

   - Tu t’attendais à autre chose de la part du gouvernement ? demanda le dentiste

 

2/   Hôtel Z

   Une sorte de conspiration implicite entre les voyageurs qui ont séjourné dans l’établissement ne me permet pas de donner son adresse, mais disons que l’hôtel Z se trouvait, et qui sait s’il s’y trouve encore, à Tres Fronteras. Là où, dans l’indifférence générale, se côtoient les frontières illusoires entre le Pérou, la Colombie et le Brésil. L’hôtel Z est – j’emploie le présent car je rêve d’y retourner un jour – assiégé par son hôte le plus insistant et le plus fidèle : la forêt qui, lentement, prend possession des chambres.

   Nous avons, le Sept et moi, partagé dans cet hôtel de longs et monotones jours de pluie. Le Sept était un journaliste chilien, dessinateur talentueux et aussi photographe, auquel un militaire avait essayé de trancher la main droite dans le Stade national de Santiago. Le militaire, un être bestial du nom de Jaime Moren Brito, haïssait comme tous ses pareils les mains des hommes de talent. Pour cette même raison, avant d’assassiner Victor Jara, un autre dégénéré arborant des galons de lieutenant, Edwin Dimter Bianchi, lui a coupé les mains puis a jeté une guitare en lui disant : tiens, joue. Dans une prison uruguayenne, on a également tenté de trancher les mains du merveilleux pianiste Miguel Angel Estrella mais, heureusement, mon cher Chango n’a jamais cessé de jouer.

   Plusieurs spadassins avaient immobilisé le Sept et posé sa main sur le billot mais, au moment précis où la crosse du fusil Garand allait s’abattre sur sa main, il avait réussi à la déplacer, sauvant ainsi son pouce et son petit doigt. Avec seulement sept doigts, sa passion pour le dessin était devenue plus qu’une nécessité, un défi. Nous les Chiliens, sommes extrêmement têtus, fiers, assez frondeurs, ce sont nos caractéristiques et le Sept ne faisait pas exception à la règle : il avait appris à tenir le crayon entre le pouce et le petit doigt de la main droite et, pendant des années, il avait, parmi d’autres façons d’exercer son art, falsifié les passeports et les visas dont nous avions besoin pour survivre en exil.

 

3/ Résumé

   Douze histoires pour vaincre l’oubli, douze romans miniatures pour traverser les siècles et les continents : des confins de la Patagonie aux rues brumeuses d’Hambourg, Luis Sepulveda convoque poètes et loups de mer, personnages légendaires et exilés de tous horizons. De sa voix unique, pleine d’humour et de poésie, il puise dans les mythes et les vestiges du passé pour perpétuer la mémoire du monde.

 

Descriptif

Editions Points P2358 année 2010 ISBN 9782757817636, Bon état général, couverture souple tranche et dos légèrement marqués et passés, intérieur frais, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11x18 cm, 160 pages.

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