GEDDES John – Autoroute vers l’enfer

Réf: d-mpjdave
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Description

Titre original « Highway to hell » John Geddes et Alun Rees, 2006

Traduit de l’anglais par Franck MIRMONT

Extrait 1

   Je faisais de mon mieux pour projeter ma voix de manière forte et intelligible tandis que je récitais le poème épique de Lord Tennyson, La Charge de la Brigade légère. Mes nerfs étaient tendus à l’extrême, j’avais les mains moites et le front dégoulinant de sueur. Mais je continuais, luttant pour me rappeler les paroles tout en fixant des visages dont je n’arrivais pas à distinguer les traits, aveuglé que j’étais par le pinceau de lumière d’un projecteur. Je continuais, tel la Brigade légère, et c’est avec bonheur que j’aspirai une grande goulée d’air lorsque l’écho des derniers mots s’éteignit enfin dans l’obscurité.

   La récitation de ce poème était-elle une échappatoire aux beuglements de mes tortionnaires, acharnés à me faire craquer, durant l’un de ces fameux exercices d’interrogatoire du SAS ? Non, c’était pire que cela : je donnais une représentation au cours d’art dramatique auquel je m’étais inscrit à l’âge de 17 ans avec la ferme intention de devenir une star du grand écran.

   Lee Marvin et Steve McQueen m’avaient servi de modèles lorsque j’avais discuté de mes choix de carrière avec mon conseiller pédagogique. Il m’avait fourni une liste d’écoles de théâtre et j’avais alors quitté mon foyer de Newcastle-upon-Tyne pour les lumières de l’école d’art dramatique de Birmingham. Je ne disposais d’aucun bagage académique car je préférais jusque-là la boxe à l littérature – j’étais même un boxeur amateur plutôt prometteur -, mais j’étais convaincu que mon destin ne pouvait se dérouler ailleurs qu’au cinéma. Les résultats aux examens ne furent pas aussi catastrophiques que j’aurais pu le craindre, et un jury composé de deux femmes et d’un homme plutôt décontractés me fit passer une audition. Après que j’eus déclamé mon texte, ils me firent part de leur avis en toute franchise :

   - Bon, vous avez sans conteste le physique de l’emploi, mais vous n’avez aucun talent, reconnurent-ils. Cela dit, ça n’a pas tellement d’importance de nos jours, dans la mesure où de nombreuses stars sont tout aussi dénuées du moindre talent d’acteur. Nous allons vous inscrire et nous verrons bien comment vous vous en sortez.

   Je ne fus pas du tout surpris d’être accepté par cette école : n’était-ce pas le destin auquel j’étais promis ? Je ne fus pas non plus meurtri par le jugement selon lequel je n’avais aucun talent. Je rentrai donc chez moi à Newcastle pour annoncer la bonne nouvelle à ma mère – mon père était mort alors que j’avais 13 ans – avant de retourner à Birmingham pour y partager une chambre dans une auberge de jeunesse avec un sosie de Jimi Hendrix qui était non seulement originaire de la ville, mais qui en connaissait toutes les boîtes de nuit, tous les bars et quasiment toutes les filles du centre-ville.

 

Extrait 2

   Personne ne prêtait la moindre attention au vieux camion-benne cabossé qui transportait ses tonnes de gravats sur la route de Bagdad à Mossoul en faisant grincer sa boîte de vitesse. Son conducteur, un homme mince et musclé, était habillé à la manière des insurgés, avec une vieille djellaba grise sur un pantalon bouffant et une paire de Nike. Du côté passager, un homme athlétique, le coude posé sur le rebord de la fenêtre ouverte, portait pour sa part une vieille veste de cuir brun, un pantalon ample et un keffieh enroulé autour du cou. Ils encadraient un troisième homme, installé sur un siège provisoire calé derrière le levier de vitesses ; âgé d’une cinquantaine d’années, les joues flasque et l’air passablement nerveux, il s’agrippait à la grande sacoche de cuir posée sur ses genoux. Son visage était à moitié caché par la capuche d’une vieille parka des surplus de l’armée irakienne.

   Après plus d’une heure de route dans une chaleur suffocante, le camion quitta la route principale et s’engagea en bringuebalant sur ce qui n’était guère plus qu’un sentier de chèvre. Au bout de deux ou trois kilomètres, il s’arrêta finalement au sud de Kirkouk, devant le portail d’une installation pétrolière. Le garde en faction jeta un coup d’œil à la feuille de route du conducteur, vit qu’elle était signée du responsable de l’installation et le laissa pénétrer.

   Le conducteur roula lentement jusqu’à derrière les bureaux du site où il gara son camion dans un gémissement de freins, hors de la vue du gardien qui les avait contrôlés à leur arrivée et qui s’ennuyait de nouveau à mourir à côté du portail. Il sauta prestement à terre et tourna autour de son camion comme pour en vérifier les pneus, mais un observateur attentif aurait remarqué qu’il inspectait les environs. Un souffle chaud venu du désert fit claquer sa djellaba, la plaquant contre son corps et modelant brièvement les contours d’un fusil-mitrailleur caché sous le tissu. Pendant ce temps, le jeune homme assis du côté passager sautait à terre et balayait à son tour l’horizon du regard ; le plus âgé des trois était resté immobile sur son fauteuil dans le camion, toujours agrippé à sa sacoche, comme si sa vie en dépendait. Le conducteur lui ordonna de descendre, ce qu’il fit laborieusement, encombré par son lourd cartable. Une fois à terre, il observa attentivement le pipe-line qui se trouvait sur sa gauche, à une trentaine de mètres. Sa sacoche aurait très bien pu être remplie d’explosif, mais ce n’était pas le cas. Cela n’avait rien à voir avec une quelconque attaque rebelles contre une installation vitale. Il ne s’agissait que d’une mission d’escorte conduite par une SMP britannique dont la politique consiste à se fondre dans le paysage lorsqu’elle convoie ses clients au cœur de l’Irak.

 

Descriptif

Editions Movie Planet de 2006 ISBN 2915243050, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués, intérieur assez frais, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché grand format de 15,3x23,2 cm, 224 pages + 16 de photographies

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