Titre original « A sort of life »

Traduit de l’anglais par Georges BELMONT et Hortense CHABRIER

Extraits

1/   La mémoire est comparable à une longue nuit agitée. Au fur et à mesure que j’écris ceci, j’ai l’impression d’émerger constamment du sommeil pour saisir et retenir une image qui, je l’espère, va pouvoir entraîner dans son sillage un rêve entier et intact ; mais les fragments demeurent fragments ; l’histoire en son entier échappe toujours.

   Je devais avoir encore moins de dix ans le jour où, dans le jardin de Saint-Jean – du côté anglais de la route – nous passâmes tout un après-midi d’attente ensoleillée dans l’espoir de voir Blériot, lors de son vol Londres-Manchester. Mais il ne traversa pas notre ciel et cela fit un long après-midi gâché, que nous eussions pu passer de l’autre côté de la Manche, en France, dans le jardin des vacances.

   Rien que d’y penser, j’avais horreur des fêtes d’enfants. J’y voyais la menace d’avoir peut-être un jour, à mettre en pratique mes leçons de danse, dont ne me reste qu’un souvenir : mes souliers noirs luisants, aux élastiques brusques et le trajet à pied, dans King’s Road, les soirs d’hiver, où je donnais la main à quelqu’un, de peur de glisser, entre deux rangées de villas de brique rouge. En vérité, je me rappelle une seule fête d’enfants : tout en haut, non loin du terrain communal de Berkhamsted, dans une grande demeure inconnue où je ne remis jamais les pieds ; une domestique chinoise me demanda si je n’avais pas envie de faire de l’eau, je ne la compris pas et il en résulta que, depuis, cette expression m’a toujours eu l’air chinois. Bien des années plus tard, j’ai écrit une nouvelle où il est question d’une fête d’enfants, et une autre où je parle de leçons de danse ; peut-être l’une et l’autre recèlent-elles aussi des souvenirs.

2/   Résumé

   Une sorte de vie portait d’abord en sous-titre : Essai d’autobiographie. Si le sous-titre a disparu, c’est que le litre lui-même est empreint de l’ambiguïté nécessaire. Dans le même esprit, l’autobiographie s’arrête ici au seuil de la réussite. Si le succès est absent c’est que l’expérience de la difficulté et de l’échec est bien autrement passionnante.

   Une vie qui va de soi n’est pas une vie. Et puis l’amour n’est pas seulement lucidité ; il est aussi pudeur. Une sorte de vie est un livre qu’il faut lire entre les lignes. Greene y parle de choses qu’il avait tenue secrètes jusqu’ici : les ambitions et les hasards qui l’ont conduit à devenir ce qu’il est, les circonstances de sa conversion au catholicisme, comme écrire, toute cela est presque « une sorte de » désespoir pour lui. Et toutes ces gravités sont dessinées ou évoquées d’un trait si léger, souvent, que l’on pourrait croire à l’esquisse, si l’acuité et l’ironie n’étaient là pour tracer profondément le sillon, en sorte que l’important est la résonnance de la phrase. On retrouve la même retenue dans la tendresse voilée qui entoure et protège l’image de ses parents, des premières amitiés, des premiers amours.

Descriptif

Editions Le Livre de poche 4046 année 1975 ISBN 2253002399, Bon Etat général, couverture souple, tranche et dos légèrement marqués et passés, pages jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x16,7 cm, 224 pages