Extrait

1/   Le premier mois de cours s’était écoulé comme un long et douloureux épanchement de synovie. Aurélie quittait Fontaine le matin pour traverser tout Grenoble en tramway, correspondance possible avec la ligne B de Saint-Bruno à Hubert-Dubedout. Les temps de transport étaient interminables, elle voyageait seule, elle s’asseyait en amphithéâtre et restait seule. Des affinités s’étaient déjà révélées et des groupes s’étaient formés, mais elle était imperméable, inapte à toute forme de socialisation. Elle voyageait par l’esprit, tentait de rêver son avenir professionnel, puis elle revenait soudainement à la réalité en un frisson et un terrible sentiment de solitude, tout son être prenait l’eau. Etaient-ce le manque de dynamisme du corps enseignant, les rappels à l’ordre discrets et répétés des premiers rangs aux derniers comme dans une grande classe de primaire, les services administratifs toujours fermés, la galerie froide et bétonnée des amphis, les structures d’art moderne torturées sur le campus ou l’insupportable décalage entre son idée de la vie intellectuelle et la médiocre réalité ? Elle s’était au cours de son adolescence si souvent imaginée avec un classeur sous son bras, passant l’après-midi et les fins de semaine à étudier, validant avec brio des cursus réservés aux élites, grimpant avec aisance et humilité sur l’échelle sociale jusqu’au sommet, devenant la fierté de sa famille. Las, sa vie était d’un ennui terrible.

2/   L’auteure

   Banlieusarde sans accent, ni pyromane, ni victime, élevée par des ouvriers bibliophiles et fins gourmets, Marion Messina était prédestinée à ne satisfaire aucun cliché. Persuadée qu’une carrière de diplomate l’attend, elle rêve d’Oxford depuis son lycée technique de zone « sensible », tuant ses après-midi à feuilleter des catalogues de voyagistes entre deux cours de bharatanatyam. Las, l’ONU ni les théâtres de Madras ne se décident à exploiter son talent. Elle devient pigiste, étudiante en science politique et finit par valider un BTS agricole.

   Résumé

   D’expérience, la vie qu’on vit à la douceur d’un airbag en béton et la suavité d’un démaquillant à la soude. Ne serait-elle qu’une épaisse couche d’amertume sur le rassis d’une tartine de déception ? L’amour fou, la vie inimitable, le frisson nouveau sont toujours à portée de corps, mais jamais atteints. Ça fait un drôle de bruit au démarrage. Jamais on ne passe la seconde. Faux départ, telle est la règle.

Descriptif

Editions Le Dilettante année 2017 ISBN 9782842639044, Assez Bon Etat général, couverture souple, tranche et dos moyennement passés et marqués, intérieur assez frais, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché moyen format de 12,3x18,2 cm, 224 pages