OLAFSDOTTIR Audur Ava – Rosa Candida

Réf: re-zaaorc
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Description

Titre original « Afleggjarinn » Audur Ava Olafsdottir, 2007.

Traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson

Extrait 1

   Je dépose d’abord le sac avec précaution, pour que de l’eau ne s’écoule pas des boutures, puis je m’étends de tout mon long sur la table d’examen, revêtue de plastique. Vingt-deux ans et déjà au bout du rouleau, le terminus au début du voyage. Ça prend longtemps d’écrire mon nom sur une feuille, lettre par lettre, une éternité. Celle qui m’aide à me déshabiller, dans la salle d’examen éclairée de néons, a les cheveux châtains brillants et les yeux marron. Elle veut tout faire pour m’aider. Je suis nu jusqu’à la ceinture et en train d’enlever mon pantalon. Est-ce que maman a éprouvé la même chose que moi quand elle était mourante, toute seule dans un champ de lave, entre de mains inconnues ? Il est clair en tout cas que le jour de mon décès sera un jour de bonheur pour une foule d’habitants sur la terre – avant que le soleil ne se couche, plein d’enfants seront nés à ma place et une multitude de noces seront célébrées.

   Ce n’est pas une grosse affaire que de mourir. Presque tous les meilleurs fils et filles de la terre sont morts avant moi. Cela fera un coup à mon vieux père, c’est normal. Mon frère jumeau demeuré se fabriquera un nouveau système sans moi et le bébé qui était encore trop petit pour passer la nuit chez son papa ne connaîtra jamais son père. Je ne suis pourtant pas sans regrets, j’aurais voulu faire l’amour plus souvent et mettre les boutures en terre.

   Lorsque la jeune fille aux cheveux brillants pose doucement la main sur mon ventre, je remarque qu’elle porte une barrette verte en forme de papillon. La femme qui s’occupe de moi au dernier quart d’heure de ma vie a dans sa chevelure le symbole de la vie future.

   Les boutures de rosier ne survivront pas sans eau, c’est pourquoi je me redresse en appui sur un coude et désigne le sac à dos.

   « Plantes », dis-je.

   Elle tend la main vers le sac à dos et le rapproche du lit. Je n’ai même pas besoin de connaître les mots justes, je fais un signe et elle est la femme qui me comprend. Je me demande, l’espace d’un instant, si nous pourrions faire un couple, si je n’étais pas, pour ainsi dire, sur le point de quitter ce bas monde. Elle peut avoir dix ans de plus que moi, trente-deux ans environ, mais en ce moment précis, la différence d’âge me paraît insignifiante. Toutefois la douleur inquiétante dans mon ventre fait que je n’ai pas le loisir de parachever l’idée d’une relation stable entre nous.

 

Extrait 2

   Le monastère est accessible à pied, tout en haut de la colline ; un sentier assez raide y monte depuis le village. Qui aurait pu s’attendre à trouver une roseraie en un tel endroit, bien au-dessus du niveau de la mer et au sommet d’un rocher ? Je ne vois pas le jardin aussitôt, car il est enfermé sur trois côtés par les murs du monastère, le seul côté ouvert donnant sur le village. En contrebas, il y a aussi des coteaux couverts de vignes qui assurent la production de vin des moines. C’est le frère Matthias qui m’accueille, il va me montrer le jardin et me mettre au courant.

   « Frère Thomas m’a parlé de toi en précisant que je te reconnaîtrais tout de suite, dit-il en souriant, du fait que tu ressortais du troupeau par la taille et par tes cheveux roux. Nous sommes très contents de t’avoir parmi nous. »

   La plus célèbre roseraie du monde n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était, comme frère Thomas me l’avait d’ailleurs répété trois fois. Dalles et sentiers sont ensevelis sous les mauvaises herbes, les rosiers des plates-bandes se sont emmêlés inextricablement. Il y a eu jadis une pièce d’eau au milieu du jardin, avec de la pelouse et des bancs. Bien que la négligence et l’abandon sautent aux yeux partout, je reconnais le jardin aussitôt, d’après les dessins.

   « Oui, c’est vrai, le jardin a été longtemps oublié et abandonné, explique frère Matthias. Nous avons mis l’accent sur la production du vin et sur la bibliothèque. Il y a encore aujourd’hui plus d’un millier de manuscrits à enregistrer. Et puis les effectifs du monastère ont diminué. Les jeunes frères de la règle préfèrent se plonger dans les livres plutôt qu’être dehors au jardin ; ils ne sortent guère que pour fumer », dit frère Matthias qui paraît être octogénaire.

   Nous marchons dans le jardin, qui se révèle être encore plus grand que je ne l’avais imaginé et qui recèle des surprises. Même s’il faudra le reconstruire de fond en comble, je vois ce qu’il est possible de faire et comment je pourrai le sauver. La plupart des variétés de roses existent encore. Je ne puis m’empêcher de toucher les plantes, de palper les douces feuilles vertes. Je ne décèle la présence d’aucun puceron.

   « Oui, c’est vrai, dit frère Matthias, presque toutes les variétés existent encore. » Les apparences sont trompeuses car les rosiers fleurissent à différentes époques de l’année, il n’y a justement pas beaucoup de roses épanouies en ce moment, sans doute pas plus de soixante-dix.      

 

Descriptif

Editions Zulma année 2010, état général assez bon, couverture souple et dos un peu marqués et passé, tranche incurvée, intérieur frais, livre d’occasion broché grand format de 12,7x19,2 cm, 336 pages   

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