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RIJKA Roman – Les sept trains de l’impératrice

Réf: rf-p13594
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Description

Extraits

1/   Comme un gros bourdon ivre, l’avion rebondit à plusieurs reprises sur l’herbe rase avant de se stabiliser au bout de ce qui tenait lieu de piste. Inversant les gaz, le pilote effectua un demi-tour laborieux pour orienter le flanc de son biplan de transport vers les baraquements épars de l’aérodrome. Un groupe d’hommes en uniformes disparates se précipita vers l’engin dont les moteurs tournaient encore. Un soldat plaça un escabeau de bois près de la porte de la carlingue qui s’ouvrit presque aussitôt. Hésitante, blême, une jeune femme équipée d’un lourd sac de voyage posa le pied sur la première marche. Tatyana Duchesne venait de débarquer à Biriouzanski Most.

   Clignant des yeux, elle leva la tête vers le ciel d’un bleu sale, puis suivit du regard la ligne des bouleaux qui bordaient le minuscule aérodrome. Prenant une profonde inspiration, elle passa une main encore tremblante dans ses longs cheveux d’un blond cendré et se fit une promesse ; la prochaine fois, elle prendrait le train. Ou le bateau. Ou n’importe quoi d’autre. Tout sauf cet horrible biplan qui l’avait secouée et ballottée sans merci pendant trois heures.

   Elle fit un pas sur l’herbe jaunie, laissant ses poumons se remplir de l’air chaud et humide qui montait tout autour d’elle en cette fin de matinée estivale. Au loin, un oiseau trilla, caché dans les feuillages. Derrière elle, les soldats s’activaient bruyamment autour de l’avion.

   - Mademoiselle Duchesne ?

   La voix, ferme et sonore la ramena à l’immédiat. Un jeune officier dont elle n’aurait su déterminer le grade semblait l’attendre. Impeccablement sanglé dans un uniforme vert olive, les bottes soigneusement cirées et les épaulettes luisantes, il tranchait avec le négligé des quelques hommes qui déchargeaient sacs de courrier et caisses en bois.

   - Lieutenant Balguine, pour vous servir.

   Un lieutenant, donc. Sachant à quelle tâche elle souhaitait s’atteler, il faudrait bien qu’elle se décide rapidement à apprendre comment distinguer tel grade d’un autre. Pour l’heure, toutefois, elle avait plus urgent à faire. Comme de laisser son estomac retrouver sa place légitime après la chevauchée fantastique à laquelle s’était livré le biplan dans les trous d’air au-dessus des bouleaux.

 

2/   Mais le lendemain, Tatyana était toujours là. Pire, elle était de retour dans les bois, accompagnée, cette fois. Elle avait été réveillée de bon matin par des vociférations montées du hall et s’était demandé un instant si la cohorte avait fini par passer la nuit en bas, à se bagarrer pour les fauteuils. En réalité, tout le monde avait plus ou moins bien dormi. Puis, l’un des grands pontes, sans qu’elle pût savoir lequel, avait décrété qu’il disposait d’une autorisation pour se rendre sur le chantier des mines, dans la forêt, et que le procureur l’attendait, déclenchant aussitôt la ruée. Toutes les autres équipes avaient immédiatement saturé la ligne téléphonique déjà faiblarde de l’hôtel. De guerre lasse, semblait-il, Prokhorov avait accepté la présence de tous.

   Tatyana, après une toilette hâtive, les avait rejoints alors qu’ils embarquaient par petits groupes dans deux voitures et un camion vétuste tout en se disputant. Cellier, arborant ce matin-là une queue de cheval dont pas une mèche ne dépassait, l’avait encore gratifiée d’un de ses infects sourires, de l’air qu’il ne tarderait pas à la devancer sur le terrain.

   Dans la cohue, elle s’était retrouvée en face de lui à l’arrière du camion, au milieu du babillage de leurs collègues, qui donnaient de plus en plus de la voix pour couvrir le rugissement du moteur. Devant, les deux voitures emportaient ce que la presse occidentale avait déployé de plus précieux dans la région. Les grandes signatures étaient vaguement mieux installées que la valetaille et autres cameramen. De là où elle se trouvait, elle pouvait les voir : Gänserish toujours accroché à son radiotéléphone, Wiltington-Sykes en grande conversation avec un type qu’elle n’identifiait pas et, plus loin, dans le véhicule de tête, Bernet-Poulard et Leméraud, occupés à refaire le monde à leur idée.

   Un instant, Tatyana avait regretté de s’être laissé entraîner dans l’aventure. Après tout, la forêt elle la connaissait. En une nuit, il était peu probable que l’équipe du procureur ait pu grandement progresse dans ses recherches. Mais, en même temps, elle ne pouvait pas accepter que la horde se répandît là-bas sans elle, c’était plus fort qu’elle. Un peu stupide aussi, elle le reconnaissait. Surtout pour avoir le plaisir de ses retrouver assise, inconfortablement ballottée sur une banquette de fois, face à Corentin Cellier. Qui, tout au long du parcours, ne s’était pas privé d’ajouter à son malaise.

 

Descriptif

Editions Pocket 13594 année 2008 ISBN 9782266180702, bon état général, couverture souple, tanche et dos très légèrement marqués et passés, intérieur frais, tranches légèrement salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 512 pages

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