Collection Espace Nord Repères

Conte réunis et présentés par Éric Lysoe

Dans cet ouvrage

- Edmond Picard, Le Fantastique réel

- Maurice Maeterlinck, Onirologie

- Hubert Stiernet, Soléal

- Hector Chainaye, L’Hôtellerie de l’amour

- Georges Rodenbach, L’Heure

- Jehan Maillart, Le Suaire

- J.H. Rosny, Un autre monde

- Eugène Demolder, La Légende de Seppê-Kaas au jour des morts

- Camille Lemonnier, Le Jardin de la mort

- André Ruyters, L’Ermitage galant

- Albert Bonjean, Le Revenant de la Warche

- Albert Mockel, La Balle d’or

- Pol Demade, Le Masque

- Grégoire Le Roy, La Malédiction du Soleil

Extrait de « Soléal » d’Hubert Stiernet

   Et les Soléaliens regardaient, avec tressaillements d’espérance, la fumée des cornues qui s’élevaient dans le ciel, au-dessus de la tour, ou, le soir, la petite fenêtre éclairée qui témoignait des labeurs du terrible ouvrier.

   Cependant, les deux hommes qui, à leur tour, se sont tenus, la nuit, sous le Donjon des Espoirs, au service du Magicien, reviennent au village : « Le Seigneur, disent-ils, convoque tous les habitants ; il leur annoncera une grande nouvelle… »

   Aussitôt l’ivresse ne connaît plus de bornes ; personne ne doute que la Camarde ne soit sur le point de déposer sa faux. Les hommes, les femmes abandonnant leurs travaux, les enfants leurs jeux, se précipitent à l’appel extraordinaire. Ils s’aveuglent à regarder fixement cette immaculée blancheur de marbre que le soleil fait étinceler, quand la fenêtre du Docteur bouge… Soudain elle s’ouvre toute large, il y paraît, montrant à la foule une mignonne petite fille nue, frêle comme un oiselet sans plumes. Une immense acclamation monte vers lui, mais Dieu sait que de désillusion il y a au fond de ces cris de joie ! Pourtant, le Magicien sera-t-il aussi plein d’allégresse le jour où il révèlera au peuple assemblé le secret de ne point mourir !

   Peu d’années après, la perte de sa compagne le plongea dans une désolation profonde. Il comprit alors combien chacun était impatient de le voir aboutir dans ses travaux et l’amère vanité de ses déjà longs efforts l’eût découragé à jamais ; il eût imploré l’Ennemie comme on implore une amante, si, à côté de lui qui vieillissait et enlaidissait, il n’eût vu s’épanouir dans tout son éclat cette tendre fleur qu’il appelait sa fille, sa douce Florame !

Extrait de « L’Heure » Georges Rodenbach

   - Barbe, quelle heure est-il ?

   - Cinq heures moins le quart, répondit au bout d’un instant la vielle servante qui s’était approchée de la cheminée où régnait, entre deux vases démodés une petite pendule Empire, à quatre colonnettes de marbre blanc, supportant un bref pignon embelli de bronzes dorés aux cous sinueux de cygnes.

   - Mais je crois que notre pendule retarde, ajouta-t-elle.

   Et lentement, de ce pas des calmes personnes provinciales qui ont le temps, elle se dirigea vers la fenêtre et, soulevant le rideau de mousseline, regarda vers la tour qui était proche, cette sombre tour des Halles de Bruges à laquelle est accroché, comme une couronne, un vaste cadran d’où sans cesse l’heure s’effeuille dans les rues mortes.

   - O ! oui ! Il est plus tard : cinq heures vont sonner à l’instant, reprit-elle ; les aiguilles sont déjà en place.

   En effet, une minute après, le carillon d’ébranla semant dans l’air un gazouillis triste, un tumulte de nid dérangé ; moins un chant qu’une plainte, moins une neige de plumes envolées qu’une pluie de fer et de cendre... Puis le gros bourdon sonna cinq coups, en battements espacés, lents, graves, qui, chaque fois, élargirent des halos de mélancolies dans le silence, comme une pierre tombant dnsa l’eau d’un canal fait des ronds et le moire jusqu’aux rives.  

Descriptif

Editions Labor année 2003 ISBN 2804017486, bon état général, couverture souple, tranche et dos légèrement marqués et passés, intérieur frais, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 376 pages