Albin Michel

PERRY Thomas – Chien qui dort

Réf: pt-amtpcqd
5,00 € TTC
 En stock
Ajouter au panier
Description

Titre original « Sleeping dogs » Thomas Perry, 1992.

Traduit de l’américain par Jean-François Gallaud

Extrait 1

   Mack Talarese s’adossa au mur du magasin d’antiquités et tenta de reprendre son souffle. Il dévisageait Lucchi avec une crainte mêlée de respect. Le petit serveur venait de révéler une autre facette de son personnage, et Mario n’était pas particulièrement rassuré par ce qu’il venait de voir. Mario et Baldwin avaient abordé de face le garde du corps et le chauffeur, au moment où celui-ci garait soigneusement la grosse Rolls au bord du trottoir. Mario avait proposé d’entrainer les deux hommes à l’écart pour les abattre. Mais déjà, Lucchi, longeant la voiture sur la droite, s’approchait par l’arrière du conducteur ; on vit briller dans sa main la lame d’un couteau-papillon. La main plongea dans la voiture par la vitre ouverte et, lorsqu’elle en ressortit, elle était couverte de sang. Ensuite Lucchi avait pénétré dans la Bentley pour s’occuper de l’autre. L’homme avait à peine eu le temps de se glisser sur la banquette arrière et de déverrouiller la portière que Lucchi était sur lui. Il était mort lorsque le tueur l’avait agrippé par les chevilles pour le ramener à l’intérieur. Puis, comme si de rien n’était, le petit Sicilien, précédant Mario et Baldwin, avait repris le chemin du champ de courses. Mais Talarese, comme leurs regards se croisaient, avait surpris l’expression de son visage. Mario avait passé son enfance à Long Island ; un jour, son chien ayant flairé la piste d’un lapin dans un champ s’était lancé à sa poursuite, interprétant les appels de Mario comme autant d’exhortations à courir plus vite. Il était revenu portant dans sa gueule le petit animal flasque et disloqué. Du regard, il quêtait l’approbation qu’il ne doutait pas d’avoir méritée. On lisait cette même expression dans les yeux de Lucchi.

   Tandis qu’ils lui emboîtaient le pas, Baldwin se pencha à l’oreille de Mario :

   - Un vrai sauvage, celui-là, hein ?

   Talarese inclina la tête. Lucchi était dangereux. Il se révélait tout différent de ce que Mario avait prévu : l’atavisme le gouvernait ; il était pareil à ces Siciliens que les paquebots débarquaient à Ellis Island avant la Première Guerre mondiale, efflanqués, rusés, ambitieux, totalement dénués de scrupules et ne reculant devant rien.

   Quant aux conséquences que sa découverte entrainait, Mario décida de ne pas en parler avant la fin du jour. Il opérait désormais pour son propre compte. Les frères Carpaccio ignoreraient toujours qui était cet homme. L’affaire terminée, Mario serait seul à pouvoir en tirer un quelconque bénéfice. On le ferait revenir aux Etats-Unis où l’attendait la position avantageuse revenant de droit aux jeunes gens qui font preuve d’initiative et de fermeté. Lucchi ne serait plus qu’un bon souvenir.

 

Extrait 2  

   Ackerman empoigna la grosse poignée de fer forgé, tira à lui la lourde porte de bois et entra. Il y avait, sur un pupitre, un registre destiné à recevoir les réservations, mais les cuisines étaient depuis longtemps fermées et l’hôtesse avait été remplacée par un videur, lequel était assis au fond d’un box devant un verre à bière à demi plein d’une boisson éventée. C’était un culturiste mélancolique, recruté dans la salle de gym du coin, un homme dans la trentaine, casqué d’une chevelure noire et bouclée, vêtu par la maison d’un costume bleu dont on avait relâché les coutures afin qu’il pût y loger son torse trapu. Levant nonchalamment ses yeux sombres, il s’assura que le nouveau venu était seul, donc probablement calme, qu’il portait une chemise propre et une veste de sport, gages sans doute qu’il était dans son bon sens et qu’au point de vue taille et poids, il se tenait dans la moyenne et ne lui poserait ps de problème au cas où il aurait fait preuve d’un optimisme exagéré en ce qui concernait les deux premiers points.

   Du bout des lèvres, le videur but une petite gorgée de sa bière et, d’un œil affligé, inspecta le reste de la clientèle qui occupait les tables disposées dans la pénombre du bar. Derrière ce regard, se dissimulait un pauvre petit introverti ; plusieurs générations d’ouvriers bagarreurs lui avaient légué ce corps. Il s’était consciencieusement appliqué à le doter d’une musculature digne d’un personnage de bande dessinée, et ces muscles, il les comparait chaque jour avec une série de photos que lui proposaient les pages d’un magazine illustré. Il se voyait comme une espèce de maître-nageur préposé à surveiller le théâtre de continuelles et audacieuses réjouissances auxquelles il ne serait jamais invité à participer.

   Ackerman passa devant le videur, gagna le bar, se percha sur un tabouret et vit qu’il avait tout de suite croisé le regard du barman.

   - Perrier, dit-il.

   La réponse du barman tenait de l’avertissement et du défi.

   - Ça vous coûtera trois cinquante.

   Ackerman montra son portefeuille pour lui faire comprendre qu’il était prêt à payer aussi cher un verre d’eau, et l’homme se dirigea vers le frigo.

   Ackerman déposa sur le comptoir un billet de cinq dollars et prit le chemin des toilettes : un bout de couloir sombre et deux portes décorées des symboles internationaux de chacun des deux sexes, deux petits bonshommes qui n’avaient aucun sens tant qu’on ne les examinait pas d’assez près pour distinguer ce qui les différenciait. Il s’était réjoui de la présence du videur : cela signifiait que le téléphone serait encore solidement accroché au mur et l’annuaire en bon état. Le videur était du genre à considérer le démantèlement d’un annuaire comme une infraction réclamant, malheureusement, son intervention.

 

 

Descriptif

Editions Albin Michel année 1999 ISBN 2226110755, bon état général, accrocs sur la jaquette amovible, couverture souple, tranche et dos légèrement marqués et passés, intérieur assez frais, livre d’occasion broché grand format de 14,7x22,7 cm, 432 pages   

Produits pouvant vous intéresser